J'étais déjà devant chez elle avant de lui envoyer un texto. J'ai pris ma voiture à 7 heures du matin et je me suis planté devant chez elle. J'avais pas d'idée vraiment en tête, juste l'envie de partir et l'envie de savoir si elle voulait le faire avec moi. C'est pas que je sois amoureux d'elle, non, loin de là, c'est parce qu'elle et moi, c'est différent.

Je ne saurai pas expliquer en quoi c'est différent. Cela doit venir de son visage d'ange, de sa perfection presque littérale. Elle est comme on décrirait les princesses dans les livres et cela me coupe la voix. C'est avec elle que j'ai envie de partir aujourd'hui, parce que c'est avec elle que j'arrive à peu prêt à être moi, sans prétention et tout le reste avec ça.

Je voulais me changer les idées, voir si le monde était beau, ailleurs. Comme disait ma grand-mère ; On est heureux que lorsqu'on choisi de le faire. Alors aujourd'hui je n'ai pas forcément envie d'être heureux, mais j'ai envie d'être bien. Et cela arrivera quand elle se décidera à venir me rejoindre dans ma voiture.

J'attrape mon téléphone, regarde une nouvelle fois le texto que je viens de lui envoyer, enfin, il y a dix minutes déjà. - Tu ne veux pas aller rouler ? Je veux dire, sans destination, sans date de retour, sans rien de prévu. Juste rouler et faire autre chose. Imaginer une nouvelle vie. Voir autre chose. C'est ce que je veux aujourd'hui, juste toi et moi dans la voiture, avec une destination sans nom. -

Je me dis comme un idiot que j'aurai pu argumenter un peu plus, trouver d'autres mots. Je me sens comme un poète sans nom, comme quelqu'un qui ne me ressemble pas mais qui est plus proche de ce que je devrai faire de moi. Pourtant archéologue c'est bien pour être un aventurier ? Je me demande où est l'aventure quand je lui écris des mots comme ceux là.

Mais j'ai en moi la sensation qu'elle viendra, c'est aussi simple que cela. Je ferme les yeux, laisse glisser mes mains sur le volant de ma voiture trop chère. J'attends. Patiemment encore pour l'instant. Quelques minutes encore et je ne le ferai plus aussi patiemment, je dirai même que je commencerai à m'énerver.

Je voudrai qu'elle vienne, qu'on s'en aille, pas longtemps juste une journée, qu'on parte voir autre chose. Je soupire, tourne mon regard vers l'entrée de chez elle. Je commence même à désespérer à moitié. Avant de la voir sortir de derrière la porte. Relâchant toute ma respiration d'un coup, me rendant compte que je la retenais, je lui fais signe de la main. Un merci muet.

Y a des filles dans la vie qui te donne envie de ne pas être qu'un con. Pour l'instant dans la mienne il y en a deux qui me font cet effet là. Sara, ma meilleure amie, et Heather parce que je ne peux pas m'empêcher de penser qu'elle est plus que tout ce qu'elle me dit. Que son histoire sa vie doit ressembler un peu à la mienne, que parfois, même si elle n'en parle pas je la comprends et je ne saurai expliquer pourquoi. Ouais, y a des gens comme ça.

Elle monte dans la voiture, m'embrasse et je souris, comme un imbécile idiot, c'est vrai, un de ces types qui sourient à la vie. Elle s'installe correctement dans son siège, et moi je reste sans bouger, parce que ma mauvaise humeur venue par mon impatience s'est complétement envolée. J'vous jure cette fille elle a un truc qui fait que je deviens presque normal, j'en suis persuadé.

« Alors je t’ai pas trop fait attendre ? Aller fait pas cette tête, tu sais très bien que je t’aurais pas laissé en plan… Enfin si, à la réflexion j’aurais pu, mais ton message plein de mystère a attisé ma curiosité. Je sais c’est un vilain défaut mais j’y peux rien.

Merde, ouais, ma tête, du coup, mon sourire s'était bloqué quelque part et mêlée à ma surprise ça devait donner quelque chose de plus que bizarre. J' pourrai faire style d'être énervé, m'inventer de fausses excuses, lui dire que je ne veux plus lui parler, mais c'est juste pas vrai.

Content d'avoir piqué sa curiosité, j'sais pas vraiment comment lui avouer que je n'avais pas de vraie idée en tête. Je voulais juste fuir l'université pour une journée. Mais on peut aller n'importe où, c'est bien ça le plus important dans l'histoire, n'est ce pas ? Se dire qu'on se donne un jour de liberté, pour ne pas forcément parler, juste nous deux dans cette voiture trop chère avec les fenêtres ouverte et son paquet de biscuit.

« Alors, on y va ? »

J'attrape un biscuit, le met entièrement dans ma bouche et lui souris. Mâchant, je tourne les clefs. Moteur en marche, je commence à rouler doucement en la regardant.

- Ouais, on y va.

Et cette fois je quitte le campus, j'accélère et je me dirige vers n'importe où mais surtout ailleurs. Je soupire un bon coup, me disant que j'en ai marre de me mentir à moi même. Je sais très bien pourquoi je suis allée la chercher, pour ce que je fais chaque année à cette période du mois. J'y retourne toujours une fois. On ne fera que passer, évidemment, mais faut juste qu'on y aille pour que j'ai la conscience plus tranquille, après ça. On ira où elle voudra, ce sera elle la chef, je le promets.

- Je veux te montrer un endroit qui compte pour moi.

Là où j'ai grandi, ou presque grandi. C'est pas Las Vegas, c'est juste là où elle m'a élevé.

- Une fois que j'aurai revu ça, on pourra partir réellement, ok ?

Je lui demande sans attendre vraiment de réponse, de toute façon, elle a fait le choix de monter avec moi, et c'est moi le conducteur aujourd'hui, alors si elle est ici, c'est qu'elle est prête à me suivre jusqu'au bout de monde, pas vrai ? Moi j'ai juste envie de voir une nouvelle fois la maison où grand mère vivait.

- Qu'est ce que tu penses du Canada ?

Que je demande pour changer de sujet, je n'ai pas envie d'être questionné maintenant. Puis le Canada, c'est une bonne destination, après tout, j'ai dis qu'on allait partir aujourd'hui, mais c'est juste samedi, on a en réalité deux jours pour voyager.

- J'espère que tu n'avais rien de prévu ce weekend.

J'ai envie de rouler, de me vider les pensées. D'oublier un peu tout et n'importe quoi, et je suis sur et certain qu'avec elle, j'y arriverai. Je ne veux pas me dire que ça fait trois ans qu'elle est plus là, je souhaite me changer les pensées, faire comme si de rien était. Mentir, comme d'habitude, faire semblant, respirer, vivre et oublier, il n'y a que cela de vrai. Et ma Heather qui est là, qui fait comme si tout allait bien pour elle aussi, comme si sa vie ne l'avait pas marqué. C'est pour cela qu'aujourd'hui, c'est elle qui est avec moi.

« On va où tu veux, t’en fais pas pour moi. Et puis, je suis montée dans cette voiture non, c’est que j’accepte l’idée de ne pas savoir où je vais me retrouver. ».

Où je veux, je ne pense pas qu'elle se rende réellement compte de ce qu'elle avance. Je suis imprévisible, et si je veux, on pourrait ne pas être rentré lundi. Tu ne le savais pas chérie, si je veux, dans dix minutes on a un avion qui nous attend pour aller jusqu'en France s'il le faut. Une semaine à Paris. C'est la lois des gens qui sont comme moi, pas né dans le luxe, non loin de là, mais qui on eu la chance de leur vie. Gagner à la loterie. Pas moi, évidemment, je ne jouais pas à ces jeux là, non, je me contentais d'entendre mémé en parler, jusqu'au jour où bordel, elle a gagné.

« Euh… Le Canada, à part les caribous, le sirop d’érable et le hockey sur glace, je n’y connais pas grand-chose. »

Le Canada ? Ah oui, l'idée lancée dans le vent. Je souris, parce que finalement cette perspective me plait. Demain matin, on déjeunera avec des pan-cakes que tu ne pourras jamais oublier. J'ai envie de réinventer le monde en une journée. De prouver une nouvelle fois que Lennel Elliot Grant n'est pas qu'un petit con, que lorsqu'il tombe sur les bonnes personnes il sait même être quelqu'un de bien.

« Bah à vrai dire, je travaille ce week end, mais bon un coup de fil et je me ferais passer pour malade… »

Je hoche la tête pour lui montrer que c'est parfait sans lâcher les yeux de la route. Le sentiment que la route que l'on prend je l'ai pris trop de fois dans ma vie. La maison m'appartient toujours, je ne saurai expliquer pourquoi. Peut être parce que c'est juste comme cela, on garde le matériel quand la personne nous quitte. Je secoue le visage, sorti de mes pensées par ma Heather qui met la radio, et elle a totalement raison de le faire, un voyage en voiture, ne se fait jamais sans accompagnement. On s'arrêtera même pour prendre des cafés, comme ça tout sera parfait. Je me sens mielleux, j'ai horreur de cela autant que j'aime bien je crois.

« Dis moi Lennel, pourquoi moi ? »

Je ne sais pas, parce que c'est comme cela et pas autrement, peut être même que c'était écrit que toi et moi aujourd'hui on ferait ça. Parce que je n'ai pas vu ta tête depuis quelques jours et que ça me manquait, mais tu ne me verras jamais te l'avouer. J'avais besoin d'une dose de personne qui compte vraiment pour moi, qui ne me voit pas simplement pour ce garçon dragueur et un peu trop con. J'en avais besoin, aujourd'hui, j'avais besoin de toi. Ma seule alliée, je crois.

« Je veux dire, pourquoi y aller avec moi faire ce excursion ? »

Je lâche la route pour plonger mon regard dans le sien l'espace de quelques secondes seulement, je ne veux pas risquer l'accident tout de même. Je pourrai lui répondre quoi ? Tout ce à quoi je viens de penser ? Non, il ne faut pas abuser tout de même. Je veux bien être gentil, mais je ne suis pas encore une guimauve.

- J'avais envie de te sortir de ta vie tranquille et de venir t'embêter.

Après tout, c'est à moitié vrai, n'est ce pas ? Ou alors un quart de vrai ? Bon d'accord, c'est un mensonge pur et dur mais un mensonge comme celui la on ne peut que le pardonner. C'est mon droit, de cacher mes sentiments, de ne pas lui dire directement qu'à Brown, je n'ai confiance en une seule personne mis à part mes frères, et cette personne c'est elle.

Au lieu de plus d'explications, la belle se met à chanter, et moi je rigole comme un couillon, parce que je tente de suivre des paroles que je ne connais pas. A la vérité, je ne sors que les derniers sons de chaque phrases. Mais le principal c'est d'essayer, de participer, de ne pas baisser les bras, un jour Len vaincra ! Elle chante beaucoup mieux que moi, mais c'est ce qui est bon, pas vrai ? A deux, on forme un duo à la limite du parfait.

« Dis, c’est loin l’endroit où tu nous emmène ? »

La question fatidique est tombée. L'humour qui volait dans l'air s'enfuit à l'instant où ses mots me rappellent notre destination. Celle avant le Canada, avant le rêve tout ça. Je regarde les alentours, me dis qu'on y est bientôt, de toute façon, autant lui dire pour qu'elle soit préparée, ou plutôt pour que je sois préparé. Comme chaque année, je ne suis pas sur d'y arriver.

- L'endroit ?

Oui, oui, Len, c'est ce qu'elle te demande la demoiselle, c'est pas si difficile à dire. Plus qu'un ou deux kilomètres de toute façon. Suffit qu'on sorte de la ville, qu'on soit sur le périphérique, là où il y a toutes les belles baraques, et ce sera là. C'est la moins belle de toute, parce qu'elle n'avait pas voulu déménager après avoir tout gagné. Elle était spéciale mémé, même avec des millions, elle pensait que la guerre allait arriver demain, alors elle mettait tout de côté.

- On va là où j'ai grandi ...

Je n'arrive pas à donner plus de détails, peut être qu'ils viendront plus tard, quand on sera parti de la maison, quand je ne penserai plus aux photos qu'on va voir. Quand on sera au Canada, pourquoi pas. La distance à parcourir est déjà terminée ? J'ai du mettre longtemps à parler. Me garant devant la vieille maison, j'éteins le moteur, peu sur de moi. J'ai horreur de ça. Ma ceinture toujours bouclée, j'hésite à bouger.

Je sais plus vraiment ce que je cherche à prouver aujourd'hui. Un grand n'importe quoi, quelque chose digne de moi quoi. J'aurai du choisir l'autre solution, ne pas y aller, prendre Heather dans ma voiture pour l'amener danser, lui montrer que je suis un mec, un vrai. J'ai choisi l'autre solution et je ne comprends toujours pas. Évidemment que ma grand mère me manque, évidemment que ma vie aussi, mais pourquoi avoir choisi de lui infliger ça aujourd'hui ? Parce que c'est ma confidente et ma meilleure amie ? Je ne suis même plus sur de ce que veulent dire ces mots là, je ne suis pas doué, pas doué pour les relations lorsqu'elles sont platoniques et partagées. Les sentiments, en réalité.

« Tu n’es pas obliger de sortir si tu ne le veux pas. On peut partir maintenant si c’est ce que tu souhaites. »

Je n'ai même pas encore bougé, comme pétrifié. Le moteur est-il arrêté ? Je me souviens plus, mais en tout cas, je crois que je n'entends plus le bruit de ma voiture, trop chère pour être vraie. On peut partir maintenant, c'est bien ce qu'elle a dit, n'est ce pas ? Mémé aurait répondu que ... Un Grant n'abandonne jamais. Elle était maligne pour me faire réagir, peut être un peu trop. Au jour d'aujourd'hui, je crois même que c'est la femme qui me connait le mieux, qui m'a le plus connu. La vie me l'a arraché, mais je survie malgré le manque et tout le reste quoi. Mais peut être que ma meilleure amie a raison, on devrait s'en aller, je ne devrai pas lui imposer tout cela. Je lui promets un week end de rêve, de voyage, et de tout et n'importe quoi, et au lieu de cela ? Je l'emmène voir l'ancienne maison de ma grand mère morte. Si c'était une occasion de draguer, je crois bien que ce serait le pire rencard du monde. Bordel, Heather, je suis désolé.

« Len’, je suis là, tu n’as rien à craindre. »

Je sais oui, et c'est bien pour cela que je n'ai pas redémarré comme un taré afin de partir loin d'ici et de ne plus jamais revenir. Je ferme les yeux, attrape sa main dans la mienne, entrelacé comme un couple le ferait. Évidemment qu'on est pas un couple, mais je crois pouvoir dire qu'on est un binôme, et qu'aujourd'hui en tout cas, on fonctionne comme cela.

Un soupir de plus, un regard vers la maison, vers mon amie, et puis ... Comme dans un automatisme ma main gauche ouvre la portière, mes jambes suivent le mouvement, et me voilà dehors, manquant d'oxygène, manquant de tout, oui, surement. Je regarde autours de moi, reconnais chaque arbre quand le vent me murmure que ma vie a réellement commencé ici.

Je m'avance un peu, attrape une nouvelle fois la main de Heather et un peu plus sur de moi parce que j'ai l'impression que maintenant que je suis sorti de la voiture tout ira, je lui souris, et lui montre la maison, le chemin, le jardin. La vie, putain. On s'avance encore un peu, je sors les clefs de la baraque de ma poche et je regarde Heather, encore une fois, ne sachant pas très bien par où commencer, peut être par le début.

- On me demande de la vendre ... Tu comprends c'est une maison bien placée tout ça ... Enfin, j'arrive pas à me décider.

A l'évidence, je commence par la fin, il faut croire que le début, il n'en vaut pas la peine. L'enfance d'un gosse perdu ? Je ferai dans le mélodrame, il faut l'avouer.