J'ai faim, mais genre vraiment faim, dans la file d'attente avec mon plateau comme un nigaud, je fais comme tous le reste des étudiants. Oui, j'attends. Que les gens se dépêchent, que la file diminue, qu'ils comprennent que lorsque mon estomac parle on ne le fait pas attendre. Soupirant depuis bientôt dix minutes de temps, temps depuis lequel je suis là. Ok je suis sur que des dizaine de personnes sont là depuis plus longtemps que moi, mais bon sang, j'ai la priorité, je vais surement crevé. De faim, s'entend, pas d'autre chose, évidemment.

Je commence alors à faire ce que tout le monde aurait pensé que je ferai. Je dépasse les personnes, à petits pas, j'avance et j'avance sans même regarder derrière moi. Une, deux, trois, je suis bon à ce jeu là. On me regarde un peu, je crois. Mais je fais avec ça, j'aime bien cette impression, celle de passer pour un con ? Non, celle de me donner de l'importance absolument pour rien et d'être le petit con que tout le monde hait. S'ils savaient ... Je secoue le visage, presque en colère contre moi, contre la vie et tout le reste avec ça. Pas le temps de laisser la place aux sentiments, j'ai trop faim pour cela, et puis les souvenirs, très peu pour moi. C'est trop bizarre ces choses là. Elles s'encrent en vous et ne veulent plus jamais vous quitter comme un tatouage raté.

Et puis comme un mirage un rêve ou je ne sais quoi, j'ai l'impression d'apercevoir cette fille, celle que j'ai déjà croisé deux fois. Je cherche son prénom, je sais qu'elle me l'a donné lors de cette soirée, celle dont je ne me souviens plus la fin, je crois juste qu'il était question d'une bouteille de vodka et une autre fille, celle la c'est sur je ne m'en souviens pas. Bon réfléchis Len, c'était pas très compliqué, une musique même, un truc que personne peut oublier. Ce qui est sur c'est que ce n'était pas Country, en même temps, je me demande quels parents pourraient décider sérieusement penser appeler leur enfant comme ça, des débiles, croyez moi.

L'illumination, la révélation, révolution. C'était clair comme de l'eau de roche, comme un air de saxo, et un piano bar démodé. Oui, sans déconner, son prénom, je l'ai retrouvé. Faut pas croire, mais la métaphore du piano et de l'air de saxo, elle était tout à fait calculé. Alors je m'approche d'un coup, passe une nouvelle fois devant les gens ceux qui me séparent d'elle quoi, c'est pas beaucoup de monde, deux ou trois. Dix ou huit. Je m'en vais lui coller un bisou sur la joue et pour justifier mon action, je me mets à dire comme un couillon :

- Jazz ! J'étais pourtant persuadé qu'on devait s'attendre au bout de la file d'attente pour déjeuner !

Je souris fièrement, me disant tout simplement, que si elle est comme je pense qu'elle est, elle jouera le jeu, et si elle ne le fait pas, croisons les doigts pour qu'elle ne me vire pas. Allez, Jazz, joue avec moi.