Je me présente : Mrs Harrison, je suis infirmière psychologue. Une formalité que de passer me voir pour établir votre dossier de santé. À Brown, nous prenons toutes les précautions nécessaires et nous suivons chaque élève qui pourrait être dans le besoin pour un quelconque problème. N’ayez donc pas peur de vous laisser aller, je suis tenue au secret médical.

Je m’appelle ERIS., mais vous pouvez me nommer comme vous voulez, si vous arrivez à trouver un surnom (a). J’ai 21 ans, même si je perds déjà mes dents et je suis une fille, à moins que je me trompe sur la marchandise O.o’. J’ai décidé d’interpréter Ashley Greene, parce qu’il faut avouer qu’elle est juste orgasmique ! D’ailleurs, c’est un personnage inventé. J’ai connu Providence grâce à Bazzart et j’espère ne pas le regretter. Ah oui ! Le fichu code du forum, je l’ai trouvé sans trop de difficulté. La preuve, c’est Validé par Zo' Et c’est pas fini ! J’aimerais rajouter que un jour je serai le meilleur dresseur *sort*.

жила-была княжна ...
22 décembre 1992, Manhattan. Assise dans un rocking-chair ancien aux couleurs fauves, la jeune femme se balançait, un livre entre les mains. En face d'elle, dans un lit au sommier d’acajou, somnolait une enfant. Ses boucles brunes et son teint rosé lui donnait l'air d'un ange. La jeune femme lisait d'une voix suave, s'efforçant de reproduire les intonations du texte. La Tsarevna et les sept frères, de Pouchkine. Toutes deux connaissaient l'histoire par cœur, mais ne se lassaient pas de l'entendre. La lectrice quitta le récit des yeux quelques instants et, voyant la petite profondément endormie, referma l’œuvre, avant de se lever sans bruit. Elle se pencha au-dessus du petit lit et embrassa l'enfant, après lui avoir murmuré quelques mots en russe. Puis, elle quitta la pièce sur la pointe des pieds, prenant soin d'éteindre la lumière avant de refermer la porte.
Natalya Ivanovna Lazareva était née à Grozny, vingt-huit ans plus tôt. Issue d’une famille relativement aisée, elle avait pu intégrer une université américaine pour poursuivre ses études. Contrairement à d’autres, la jeune femme n’avait jamais rêvé de gloire ou d’argent en entrant sur le territoire américain ; elle savait combien la vie était difficile, et le rêve n’y avait pas sa place.
Elle ouvrit la baie vitrée de la pièce principale qui donnait sur un petit balcon, enjamba le bord et sortit. Elle saisit un paquet de cigarettes de sa poche, et en alluma une. L'appartement était situé au huitième étage d'un vieil immeuble traditionnel de Manhattan ; la vue en aurait surement rebuté plus d'un, mais Natasha aimait se retrouver ici. La ville était illuminée de rouge et de blanc à l'approche des fêtes. Quelques flocons de neige tombaient gracieusement du ciel, avant de disparaître instantanément sur le goudron des routes. Soudain, un bruit de clef dans la serrure de la porte d'entrée sortit la jeune femme de ses pensées. Un homme à peine plus âgé qu'elle franchit le seuil de l'appartement et claqua la porte derrière lui. Thomas Hawkes. Natalya se pencha par la fenêtre, les joues rosies par ce brusque changement de température, et lui sourit sans dire un mot. Le jeune homme le lui rendit et s'approcha pour l'embrasser. « Elle dort ? » demanda-t-il d'une voix si basse qu'à peine audible. Elle acquiesça d'un simple hochement de tête, et replongea son visage dans l'air froid de l'hiver new-yorkais.
Thomas et Natasha s'étaient rencontrés sur les bancs de l'université, sept ans plus tôt. Tous deux étudiaient le droit à Columbia à l'époque ; elle en première année, lui en troisième. Leur flirt étudiant s'était rapidement transformé en amour passionné. Et, lorsque la jeune femme tomba enceinte peu de temps après, le couple décida de s'installer ensemble. Hawkes poursuivit ses études après la naissance de sa fille, mais Lazareva y renonça. Cela faisait maintenant six ans qu'il habitait cet appartement situé au cœur de Manhattan, et il s'y plaisaient.
L'air se rafraîchit brusquement lorsqu'une bourrasque hivernale s'abattit sur le quartier, sortant la jeune femme de ses rêves. Elle écrasa son mégot et rentra rapidement, frigorifiée.

hey, little tomboy
17 avril 2002, Manhattan. « Maman ! Je vais dehors ! » s'écria l'adolescente en traversant le duplex. Elle avait enfilé un jogging gris, une veste de baseball et des baskets dont le blanc d'origine avait viré au grège. « Fais attention et ne rentre pas trop tard ! » avait répondu sa mère, tandis que la petite claquait la porte. Elle dévala les escaliers de secours avec agilité, sans prendre la peine de tenir la rampe de sécurité. Du haut de ses dix printemps, Arya avait bien changé ; ses boucles brunes avaient laissé place à des cheveux coupés courts, raides, et son visage s'était affiné, bien qu'elle aie conservé un air enfantin. La petite fille d'autrefois ressemblait désormais plus au prince, qu'aux princesses des histoires que lui lisaient sa mère. Si celle-ci n'y voyait rien à redire, son père, lui, se montrait bien plus récalcitrant quant à ses choix vestimentaires, alors qu'il grimpait petit à petit les échelons de la hiérarchie sociale.
Tous les week-ends, l'adolescente rejoignait ses amis dans le quartier -mal famés d'après la société- d'Harlem. En effet, lors de sa scolarisation quelques années plus tôt, les Hawkes n'étaient pas en mesure de l'inscrire dans une des nombreuses écoles privées et sélectives de la ville ; ainsi, elle fréquentait une école publique, et côtoyaient des jeunes issus d'autres milieux que le sien. En vérité, Arya appartenait à la classe sociale "moyenne supérieure" comme la plupart des new-yorkais, mais son père semblait voir les choses autrement. Pourtant, cette vie convenait parfaitement à la petite, qui avait rapidement su se faire des amis au sein de son école. Son tempérament de feu avait vite fait mouche, ce qui l'avait rendue populaire auprès d'une certaine catégorie d'élèves.
La relation avec sa famille était stable et inchangée, malgré les choix qu'ils avaient du faire ; depuis la naissance de son frère, sept ans plus tôt, sa mère avait décidé d'abandonner son travail pour se consacrer pleinement à ses enfants. Quant à son père, il ne cessait de gagner en importance sur le plan professionnel, quitte à délaisser sa femme de temps à autre. Mais cette vie semblait leur convenir, à tous les quatre. Cette perfection apparente n'avait rien de superficiel, même si certains voisins n'hésitaient pas à donner leur avis sur ce qui ne les regardaient pas. Arya était heureuse, les siens le semblaient également, et à cette heure, c'était bien tout ce qui comptait.

it's a material world
automne 2004, Manhattan. L'institut ressemblait davantage à un château qu'à une école. Les murs étaient de pierre blanche, comme neufs, mais l'architecture du bâtiment semblait trop ancienne pour qu'il ait été construit au cours de la dernière décennie. Arya avait du intégrer cette école privée, malgré elle ; son père, désormais apte à lui offrir un enseignement digne de ce nom d'après lui, avait décidé de la faire étudier dans un des meilleurs lycée de la mégalopole. C'était ce genre d'établissement catholique dont près de trois-quarts des élèves n'avaient jamais mis un pied dans une église. Les Hawkes, eux, étaient orthodoxes. Mais la jeune fille semblait être la seule pour qui cela paraisse étrange. Dès son discours de rentrée, le proviseur avait donné le ton : il voulait créer une élite. De bons petits « padawans » qui rentreraient dans le rang, avec des notes exemplaires et un avenir tout tracé pour entrer à Harvard ou à Yale. Ces annonces l'avaient déconcertée ; elle qui souhaitait passer les quatre prochaines années dans son coin, à attendre que le temps fasse le reste, elle se retrouvait désormais à devoir s'impliquer dans son travail scolaire.
En deux ans, Arya-Siobhan avait bien changé ; elle avait troqué ses mèches raides et courtes pour une chevelure longue et brillante qui adoucissait son visage. A mesure qu'elle grandissait, son joli minois la faisait de plus en plus ressembler à sa mère ; elle avait hérité de son regard doux et de ses yeux clairs, de ses traits fins et de son sourire bienveillant. Il semblait émaner d'elle, une aura de bonté et de pureté. Mais, sa personnalité était tout autre ; l'adolescente débordait d'énergie -héritage de son père- et ne pouvait rester en place une minute. Son géniteur lui avait transmis son caractère battant et persévérant, lui qui s'était battu toute sa vie pour arriver là où il en était, lui qui avait grandi dans les quartiers pauvres du Queens, avec sa mère, sans présence paternelle. Bien qu'elle lui ait toujours montré sa face rebelle, haineuse à son égard, Arya admirait son père ; parti de rien, il avait atteint le sommet en l'espace de quinze ans. Jamais elle ne pourrait le lui avouer, mais à ses yeux, il était un modèle.
Ses premiers mois à l'institut se passèrent sans encombres ; ses parents acceptaient de lui donner la liberté qu'elle demandait, si ses résultats scolaires étaient corrects. Ainsi, elle avait essayé de s'intéresser à ce que l'on lui enseignait : les sciences, les langues, la culture ... Contre toute attente, la jeune fille s'avéra réellement douée pour l'apprentissage des langues étrangères, ainsi que pour la biologie et la chimie. Toutefois, son aversion pour l'histoire et les mathématiques lui rendit la tâche difficile. En parallèle, elle n'était pas vraiment parvenue à se faire des amis ; tous "fils à papa" et fiers d'appartenir à cette catégorie sociale très sélecte, il lui était bien trop difficile de faire abstraction de ces détails qu'elle ne pouvait supporter. De temps à autres, ses amis de ses années passées lui rendaient visite ; la première fois, tous ne purent s'empêcher de rire en la voyant vêtue de l'uniforme officiel : une veste bleu marine et l'écusson de l'école piqué au revers de celle-ci, une de ces jupes plissées -qu'elle avait toujours détestées- en accord avec la veste, ainsi qu'une paire de chaussures en cuir verni qui lui donnait horriblement mal aux pieds. Bien entendu, à cela s'ajoutait la nécessité d'une coiffure élégante et naturelle, ainsi que l'absence totale de maquillage. Ainsi, chaque matin, Arya se retrouvait à coiffer et à lisser sa chevelure, ce qui lui prenait un temps fou. Mais elle avait finalement accepté ce mode de vie, puisqu'il lui permettait de ne pas perdre contact avec ceux qui comptaient à ses yeux. Ce fut grâce à cette petite chose qui la rattachait à sa vie d'avant qu'elle obtint son diplôme du secondaire sans encombres, malgré une légère défaillance en mathématiques.

we are the world
Été 2007, San Diego. Sur les plages californiennes, un groupe de jeunes s'adonnait depuis plusieurs jours, à rendre la vie impossible aux touristes venus profiter du soleil. Parmi eux trônait la jeune Arya Hawkes. Loin d'être en vacances, la jeune fille était, depuis quelques temps, devenu une activiste engagée sur le sentier de la sauvegarde planétaire. Elle faisait partie des bénévoles de la branche de Greenpeace qui militaient pour la protection des océans. Si sa famille voyait cela comme une crise passagère, Arya était réellement impliquée dans cette guerre écologique. « Vous ne voyez pas que vos usines et vos déchets pourrissent notre planète ?! », criait le groupe à tue-tête. « L'avenir de vos enfants est en jeu ! »
A son grand malheur, la jeune fille savait que son père était souvent appelé à protéger ceux qui, à ses yeux, commettaient de véritables crimes contre l'humanité. Elle regrettait d'ailleurs qu'il ait choisi cette voie ; elle aurait préféré qu'il défende des victimes de viols ou de meurtres, et ce n'est pas ce qu'il manque à New York. Mais ils avaient opté pour le droit des affaires, une branche particulièrement dégradante et ennuyeuse selon elle, si ce n'est qu'elle leur permet de vivre confortablement.
Du haut de ses dix-huit ans, Arya-Siobhan avait choisi, après l'obtention de son diplôme d'enseignement secondaire, de prendre une année sabbatique, au cours de laquelle elle était prête à parcourir le monde pour véhiculer ses idées. Même si elle refusait de l'admettre, elle savait combien son niveau de vie l'aidait dans son quotidien de militante. Pourtant, elle s'était toujours arrangée pour rester simple et non matérialiste. A plusieurs reprises, son groupe et elle avaient du répondre de leurs actes dans les commissariats des différentes villes qu'ils avaient visité. Par chance, ce fut toujours pour des crimes mineurs et donc sans réelles conséquences, mais elle était consciente que ce genre de remarques ne faisaient jamais très propre dans un casier judiciaire. En vérité, si elle avait agit ainsi, c'était avant tout pour s'éloigner de sa famille, le temps d'une année ; entre sa mère qui faisait comme si tout allait bien alors qu'elle ne supportait plus de passer ses journées à ne rien faire, et son père qui voyait un psy trois fois par semaine à cause du stress de son travail et de ses rapports conflictuels avec sa femme, la jeune fille avait choisi de fuir cet univers gorgé de pessimisme et de penser à autre chose. La seule chose qu'elle regrettait, c'était d'avoir laissé son petit frère, Alekseï, subir leurs sautes d'humeur. Tous les deux étaient très proches, et bien que différents, partageaient une vision des choses assez semblable.
Mais, bien vite, elle s'était découvert un véritable intérêt pour le monde marin et sa sauvegarde, et aurait souhaité rester là le restant de sa vie. Elle ne s'attendait malheureusement pas à ce qu'un drame se produise dans sa famille.

Now I'm dyin' 'cause I let you
8 septembre 2008, Manhattan. Pourquoi pleurais t-elle ? Pourquoi voir son père là, allongé dans ce lit d'hôpital entre la vie et la mort, la rendait-elle aussi triste ? Ce père qu'elle avait tant haï pour avoir voulu la formater, pour avoir défendu ceux contre qui elle se battait ... Peut-être était-ce pour faire payer sa mère d'avoir détruit leur bonheur. Peut-être était-ce parce qu'après tout, son père n'était pas si mauvais que ça ...
Il faisait froid dans cette chambre obscure. Les murs d'un blanc immaculé ne lui inspirait guère confiance, et pourtant, c'était bien là le seul endroit où elle devait croire en ses salariés. Trois heures. Voilà près de deux heures qu'elle était assise dans ce fauteuil, à regarder l'homme qu'elle pensait jusque là, être la personne la plus nuisible pour elle. La fatigue la gagnait peu à peu, mais elle s'efforçait à rester éveillée. Chaque fois qu'elle ouvrait la bouche pour dire quelque chose, aucun mot ne sortait ; seuls les sanglots d'une fille perdue, et effondrée sous le joug de ces tragédies.
Deux semaines plus tôt, alors qu'elle rentrait tout juste de son séjour de bénévole, Arya avait surpris ses parents en pleine crise conjugale ; cela n'était pas la première, mais elle avait senti que c'était différent cette fois-ci. Jamais encore elle n'avait vu son père aussi haineux ; ses yeux débordaient de rage, à tel point qu'il semblait sur le point d'exploser. Sa mère, quant à elle, semblait honteuse, mais n'hésitait pas à crier de plus belle. Ils en étaient même venus à s'exprimer en russe, ce qui ne présageait rien de bon. Lorsqu'ils réalisèrent qu'ils étaient écoutés, les cris cessèrent, mais cette atmosphère malsaine et tendue demeura. « Qu'est-ce qu'il se passe ?! » avait demandé la jeune fille, énervée et choquée suite à ce qu'elle venait d'entendre. Son père la regarda ; son visage était dur et froid : « demande à ta mère » lâcha-t-il en quittant la pièce. Arya, perdue, s'en était remis à sa mère, espérant des explications concrètes, mais celle-ci se mua dans un silence impénétrable. Il ne fallut que quelques secondes à la jeune fille pour comprendre la raison de cette dispute ; sur la table de la salle à manger, était posé un papier -elle réalisa plus tard qu'il s'agissait d'une lettre- ainsi qu'un billet d'avion. Elle le saisit, tandis que sa mère lui tournait le dos. Celui-ci était au nom de Natalya Hawkes, au départ de JFK et à destination de Londres. « Tu t'en vas ? » demanda-t-elle sèchement. « C'est compliqué, Arya », eut sa mère pour seule réponse. S'en était trop ; la fille prodigue éclata de colère « Bordel ! Je me fous de savoir si c'est compliqué ! Avec vous c'est toujours compliqué ! Je veux savoir ce qu'il se passe dans cette famille !!! » Mais Natalya ne dit rien. Sans même regarder son enfant, elle prit son sac et se rendit dans le salon. Ce fut à cet instant qu'Arya prit conscience de l'ampleur de la chose ; plusieurs valises traînaient sur le sol, toutes étiquetées au nom de sa mère. Sa haine s'agrandit, mais elle parvint à garder son calme. « Dis-moi ce qu'il se passe ! » continua-t-elle. Sa colère impulsive avait laissé place à une rage intérieure qu'elle s'efforçait de contenir. « J'ai rencontré quelqu'un » finit-elle par avouer, « Je pars vivre à Londres avec lui ». Bien vite, l'impulsivité de la jeune fille reprit le dessus, et elle explosa : « Et Aleksei ! Et moi ? Tu y as pensé ? ». Elle sentait les larmes lui monter aux yeux, mais tâcha de ne pas pleurer ; sa famille ne l'avait pratiquement jamais vu pleurer, et elle refusait d'avoir à montrer une quelconque faiblesse dans une telle situation. « Ma décision est prise, Arya, et c'est non négociable ! » répondit sa mère en lui arrachant le billet des mains. Son téléphone portable sonna ; un taxi l'attendait devant l'immeuble. Elle saisit ses bagages et quitta l'appartement sans rien ajouter.
Arya se réveilla brusquement. Le jour se levait, rendant la chambre d'hôpital presque plus accueillante. Elle aurait souhaité que tout ça ne soit qu'un mauvais rêve ; elle aurait souhaité se réveiller chez elle, et trouver son père sur le point de partir au travail, tandis que sa mère dormait. Mais tout cela était bel et bien réel. Elle chercha son frère du regard, mais il avait quitté la pièce. Elle se leva à son tour, espérant le croiser dans les couloirs. Ils n'avaient pas encore pris le temps de se parler depuis le départ de Natalya et l'hospitalisation en urgence de leur père. Alors qu'elle marchait péniblement, elle repensa à la nuit passée, quelques jours après la fuite tragique de sa mère.
Cela faisait plusieurs jours qu'elle ne parvenait pas à fermer l’œil ; son frère n'avait pas ouvert la bouche depuis et l'état dépressif de son père n'avait fait que s'aggraver. Il avait déserté son travail, ne s'était pas rendu à une audience pour défendre un client très important, et n'avait pas même bronché lorsque son supérieur lui avait annoncé son licenciement suite à cette bavure. Il restait enfermé dans sa chambre, jour et nuit, se privant de manger. Une nuit, Arya avait décidé d'agir, en lui apportant de quoi se nourrir. Mais en poussant la porte de la chambre parentale, elle avait laissé l'assiette lui échapper des mains face à l'horreur qu'elle voyait : son père était étendu sur le sol, comme un corps sans vie, ne respirant plus. La jeune fille s'était approchée de lui en courant, des cris de douleurs sortaient de sa bouche, tandis qu'elle essayait de le réanimer en vain. Tremblante, elle avait saisi son téléphone, et avait appelé les secours. Jamais le temps ne lui avait semblé si long. Elle ignorait si son père était en vie. Puis, une ambulance était arrivée, les emmenant tous les trois à l'hôpital le plus proche. Ils étaient parvenus à faire repartir son cœur, mais ne pouvaient se prononcer quant au pronostic vital.
Alors qu'elle marchait dans les couloirs, elle tomba sur son frère, debout à côté de la machine à café. Lorsqu'il la vit, il lui en proposa un, affichant un sourire triste sur son visage. Aleksei Hawkes n'avait que quinze ans, mais il paraissait bien plus âgé. Il ressemblait davantage à son père, qu'à sa mère et peu de gens se doutaient qu'il était le frère d'Arya. Celle-ci accepta son offre, et tenta d'entamer une conversation avec lui. Tous deux avaient toujours été proches, et la jeune fille refusait de remettre en cause cette complicité, surtout dans ce moment. Ils devaient être là l'un pour l'autre. Pendant près d'un quart d'heure, ils parlèrent de tout et de rien ; elle lui raconta son année à travers le monde, et lui ses histoires de lycéen. Aucun n'aborda le sujet du départ de leur mère. Lorsqu'ils retournèrent dans la chambre, ils semblaient presque soulagés. Le médecin sortit alors, les croisant, et leur annonça la couleur. « Votre père a tenté de mettre fin à ses jours en ingurgitant une importante quantité d'antidépresseurs et d’anxiolytiques. Nous avons réussi à faire repartir son cœur, mais son cerveau n'a pas été irrigué pendant un certain temps. Je ne suis pas en mesure de vous dire s'il se réveillera ou non, et dans quel état il se trouvera. »

somewhere only we know
17 mai 2010, Manhattan. « Arya ! Il y a du courrier ! » s'écriait Aleksey en entrant dans l'appartement. « Une lettre de Brown à l'attention de Miss Arya-Siobhan Hawkes », dit-il en imitant maladroitement une intonation noble britannique. La jeune femme se précipita sur le précieux courrier, déchirant l'enveloppe sans grand soin, mais s'immobilisa quelques secondes avant de déplier son contenu. Elle inspira un grand coup, et se décida.
Cela faisait désormais deux ans que Thomas Hawkes était dans le coma. Ses enfants lui rendait visite au moins une fois par jour, espérant le voir ouvrir les yeux. Mais jusque là, aucun changement n'avait été observé. Ainsi, ils avaient décidé de reprendre leur vie, là où elle s'était arrêtée. Bien que les débuts furent difficiles, ils étaient parvenus à aller de l'avant, même si quelques baisses de régime n'étaient pas à exclure de temps à autre. Depuis son année sabbatique aux côtés des militants de Greenpeace, Arya s'était découvert un véritable intérêt pour le monde aquatique, si bien qu'elle souhaitait en faire son métier. Elle avait alors envoyé une candidature à l'université de Brown dans le Rhode Island. Elle avait longuement hésité, car s'éloigner de New-York était pour elle, trahir sa famille. Mais son jeune frère l'y avait fermement encouragé.
« Mademoiselle Hawkes ... » commença t-elle à lire à haute voix « Suite à l'étude de votre dossier de candidature pour le programme d'écologie et biologie évolutive, nous avons le plaisir de vous annoncer que celui-ci a été retenu ... » Elle explosa de joie, tandis que son frère la félicitait. Après ces deux années de travail acharné, la jeune femme avait obtenu une bourse pour l'université de ses rêves.
19 août 2010, Manhattan. « Les nouveaux locataires de l'appartement arriveront dans l'après-midi. Pense à dégager tes affaires avant qu'ils soient là. Ah, et surtout, tu te tiens bien chez les Monroe. Ils sont déjà sympa de t'accueillir le temps que tu finisses le lycée, alors leur en fais pas voir de toutes les couleurs, et ... » De sa bouche débitaient cinq-cent mots à la minute. Quitter son frère de la sorte était une véritable déchirure pour elle. Mais elle devait penser à elle. Afin qu'ils puissent avoir une certaine source de revenue, elle avait également eu l'idée de louer leur appartement. Elle avait pensé à le vendre, mais ne s'y était pas résolue. Arya devait arriver à l'université avant le premier septembre. Elle avait donc pris un billet de train au départ de la Grande Gare Centrale, et son frère s'était proposé de l'y déposer. « ...et je t'appelle s'il y a du nouveau pour papa » l'avait coupé Aleksei.
le train à destination de Providence entre en gare, voie 7 ... C'était le sien. Elle embrassa son frère, le serrant fort dans ses bras, et desserra son étreinte avant qu'elle ne parte en sanglots. Puis, elle lui tourna le dos, et grimpa dans le premier wagon. Une fois assise, elle s'endormit et ne se réveilla pas avant son arrivée à Providence.