Ma petite vie n’intéressera probablement personne mais, présentement, je me trouvais prête à atteindre mon but. La Rush Week allait commencer et j’espérais au final intégrer la confrérie de mon choix. Peut-être était-ce par orgueil que j’avais choisi les Lambda mais ces donzelles m’avaient tellement émerveillé par leur contenance face à toutes les situations inimaginables qu’il faudrait que je les rejoigne afin de régler mes problèmes intérieurs. J’avais flanché, à l’époque, je n’avais pas su me contenir et j’avais tiré cette balle en plein dans la poitrine de mon père. C’était morbide et inhumain, la créature qui m’habitait alors n’était pas moi. Je n’étais pas cette petite fille fragile qui n’avait su retenir le coup. Je désirais être plus, une femme forte et admirée c’est pourquoi j’avais apprécié ma première rencontre avec June, la présidente de ma peut-être future sororité. Elle avait tout de suite su me mettre en confiance, et dire que ce n’est pas gagné de faire pareille prouesse. En effet, je suis assez méfiante et je montre les crocs si on veut trop en savoir pour moi. Pourtant, elle est aujourd’hui devenue la gardienne de mon secret parmi la foule de Brown et ne m’a jamais jugé. Au contraire, la belle m’a même apportée son aide. Vous vous souvenez lorsque je suis arrivée il y a deux ans débarquant de mon Angleterre natale ? Ce n’était pas très folichon. J’étais coiffée avec un râteau, je m’habillais comme un sac à patates et j’en passe. June s’était chargée de mon éducation vestimentaire, c’est aujourd’hui grâce à elle que vous pouvez constater les progrès. J’avais enfilé un pantalon de couleur claire qui s’alliait à la perfection avec mon chemisier blanc. Certes, les manches légèrement retroussées témoignaient de mon habituelle négligence mais c’était déjà bien mieux. Le seul bémol de ma tenue restait mes cheveux dont je ne savais que faire. Lâchés et voletant au vent, ils auraient été bien mieux coupés courts. Hélas, je demeure une fille et pour rien au monde je ne voudrais ressembler à un homme…Beurk. Si je commence à couper mes cheveux, je risquerai d’avoir des poils qui me poussent partout, de la barbe et même de marcher comme un pingouin, non merci ! Oui comme un pingouin, les mecs roulent des mécaniques, vous voyez ? Le genre lourdingue, je ne voulais pas me transformer en cela.

Du coup, je me trouvais au niveau de Providence Place, le centre commercial où tous les étudiants de Brown ont forcément mis les pieds. J’étais à l’extérieur mais je me souvins que notre point de rendez-vous n’avait jamais été à l’extérieur, mais à l’intérieur près de la fontaine. Je scrutais les environs afin de voir si ma partenaire n’était pas arrivée. Hélas, ils étaient vides et je me résignais à me planter près de la fontaine entre deux plantes vertes pour que l’on ne s’attarde pas trop sur ma personne et pour attendre en paix. Je haïssais la foule et je la hais toujours. Même si je faisais des efforts depuis le début de mes études supérieures, j’avais encore des progrès à faire. June pourrait peut-être m’aider ? Cela faisait longtemps que l’on ne s’était vues et, la rush week s’annonçant, je voulais être au top pour réussir les épreuves, ça passe déjà par l’allure. Ainsi, j’avais besoin de ses précieux conseils pour battre mes concurrentes et donc, comme en matières de vêtements, on aurait pu m’assimiler Marge Simpsons qui ne sait pas se confier, je préférais bénéficier d’aide, on ne sait jamais. En tant que grande maladroite, j’aurai pu tout faire capoter avant même d’avoir franchi la ligne de départ. Cependant, j’étais en avance, un quart d’heure pas plus. Je pris mon cellulaire au creux de mes mains afin d’envoyer un sms à June. < Je suis à notre point de rendez-vous. A de suite la miss.> Clair et précis, je savais me servir de mes neurones en sciences mais faire de belles phrases, cela restait encore à voir. De plus, les efforts viendraient après, en ce moment, nous étions à l’étape du réconfort…

Mon café est trop chaud, je me brûle la langue un peu, je regarde autours de moi, un peu de gens, on me regarde, me souris, j'en fais de même parce que malgré ma mine boudeuse d'aujourd'hui, je jure à qui veut l'entendre que j'aime ma vie.

Je pense à tout et à rien, papillonne un peu, surement trop, mon esprit s'envole vers un ailleurs où navigue mon coeur, j'envoie valser mes cheveux en arrière en me retournant, pensant à moitié à mon amitié avec un idiot que j'apprécie trop, je me souviens que je dois rejoindre ma future nouvelle arrivante dans le monde grec, dans mon monde à moi, ma maison, mes filles tous cela.

Je me place en tant que maman sans m'en apercevoir, c'est un sourire aux lèvres que je rebrousse chemin et me dirige avec lassitude vers ma voiture cabossée. On me l'a dit des centaines de fois, cette carcasse qui se prend pour une auto n'est pas digne de moi, je suis trop parfaite pour conduire quelque chose comme ça.

C'est là où je diffère peut être, j'ouvre la porte, avale mon café d'un trait, me brûle un peu plus, mais qu'importe je suis en retard et je ne l'ai jamais été. J'envoie mon sac sur le siège passager, et c'est en croisant les doigts que je tourne la clefs de ma drôle de voiture. Le bruit du moteur se fait de suite entendre et mon soulagement ne se fait pas attendre.

Je ne roule pas très longtemps, je sais où je vais, j'ai l'impression que lorsque je me retrouve au centre commercial avec elle, c'est un retour en arrière. Je joue avec une poupée géante. Elle me touche comme aucune autre fille, parce que son histoire ne ressemble pas à quelque chose de déjà. Isya est unique, et elle ne s'en rend même pas compte, persuadée d'être invisible, de se devoir de s'effacer ... Elle est comme moi, sauf qu'elle n'a pas appris à gérer tout ça.

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De :

Isya ♥

Message :

Je suis à notre point de rendez-vous. A de suite la miss.