Je veux, je veux ! Sinon je vais te transformer en souris ! Quelle répartie et quelle argumentation j'avais. Quand j'étais encore une enfant en primaire, j'aimais menacer quand on me refusait quelque chose. Jusqu'ici, on pourrait croire que j'étais du genre pourrie gâtée mais ce n'était pas le cas. J'étais simplement têtue et extrêmement susceptible. Ma mère avait pris l'habitude de rouler des yeux et de me répondre. Si tu ne te tais pas, tu seras enchaînée dans ta chambre pour le reste de tes jours. Et me voici le bec cloué, boudeuse et mécontente, courant jusqu'à mon coin de paix afin de serrer fort mon ours en peluche. J'ai eu une enfance des plus banales, bien que je fus hyperactive et terriblement bavarde. L'un de mes plus grands défauts était celui que tous les enfants partagent, soient d'être trop francs et donc manquant de tact. Cela ne me réussissait pas car déjà, je cherchais toujours à justifier mes propos. Précoce la gosse. Mes parents étaient néanmoins fiers de leur enfant, même si mon père semblait distant et peu heureux. Ce n'est que quelques années plus tard que j'allais apprendre qu'ils étaient en instance de divorce pour une raison que j'allais connaître bien plus tard. Le jour où mon père ne rentra pas à la maison, j'avais demandé à ma mère ce qu'il en était. Papa est parti pour une noble cause, Hope. Hope. Ma mère avait toujours voulu m'appeler Hope mais jugeant ce prénom trop commun, mon père avait réussi à la convaincre de me faire appeler Alisea. Cependant, elle continuait à m'appeler Hope, comme mon entourage proche. Quelques jours après cette déclaration, je revins voir ma mère, lui posai la même question et écoutai la même réponse. Puis, les semaines passèrent et je me rendis bien vite compte que mon père ne reviendrait jamais. Lorsque j'eus huit ou neuf ans, nous eûmes une discussion plutôt sérieuse à ce sujet. Ma mère, peu habituée à ce genre de discours, tentait de contenir son émotion avec maladresse. Ton père et moi ne nous aimions plus... Et cela faisait quelques temps déjà. Elle avait les larmes aux yeux. Des larmes remplies non pas de tristesse mais d'un regret amer qui semblait la ronger comme de l'acide dans sa gorge. Elle raclait celle-ci avec difficulté avant de reprendre la parole. J'ai commis une erreur, Hope. Mais nous aurons peut-être l'occasion de réparer cela, toi et moi. Nous avons un nouvel avenir qui nous tend les bras... Que voulait-elle dire par là ? Il faut dire que le manque de détails m'avait empêché de comprendre correctement de quoi il retournait, et elle n'avait pas été plus clair ce jour-là. Puis, quelques mois plus tard, je compris que les choses changeaient. Ma mère se calmait, et semblait plus heureux. Elle chantonnait comme une enfant par moment, en préparant la cuisine, et même si à New York, nous pouvons voir de drôles de choses, je connaissais suffisamment ma mère pour voir que l'avenir auquel elle semblait nous avoir préparé se rapprochait à vue d'oeil. Maman, de quoi parle ton livre ? avais-je demandé peu avant mes onze ans. Elle s'était tournée vers moi, assise sur une chaise, les doigts jonglant sur les touches de l'ordinateur portable sur lequel elle écrivait tout le temps. Il parle de nous, trésor. Il parle du bonheur d'être une famille. Ma mère avait toujours intégré une partie autobiographique dans les livres qu'elle écrivait, et présentait à sa maison d'édition, mais cette-fois, ces propos sonnaient comme un véritable effet miroir de notre condition. Mais... Nous ne sommes plus une famille... Tu veux dire que papa va revenir ? Ses lèvres formèrent un croissant de lune retourné, puis, finissant par sourire, elle posa une main sur ma joue, la caressant du pouce. Non, Hope, mais nous allons reformer une famille... Toi, moi et mon futur mari. Sa dernière phrase m'avait assommée sec. La surprise était de taille, mais le futur l'était bien plus encore.

Depuis cette dernière discussion, ma mère et moi n'avions pas eu la chance de reparler convenablement de ses propos, mais je n'avais pas très envie jusqu'au moment où, quelques jours plus tard, j'entendis des pas précipités en direction de la cuisine où je me trouvais. Alisea, Alisea ! Je me retournai aussitôt, et vit un garçon à l'allure de branleur séducteur, blond et arrogant, qui semblait demander des comptes. C'était mon frère. Je savais bien que maman voyait quelqu'un... C'est bien cet homme que j'ai vu la dernière fois, c'est ça ? Surprise, j'ai un grand-frère, et même une grande soeur seulement celle-ci se trouve être la cadette, faisant de moi la benjamine. Qui ? De quoi tu parles ? Déjà que la situation avec notre mère n'était pas claire, il fallait qu'il en rajoute avec des suppositions tordues qui allaient malheureusement éclaircir la situation. En entendant ce début de discussion, la figure maternelle des Jenkins finit par rentrer dans la cuisine, fixant mon grand frère comme s'il était un criminel. Laisse ta soeur tranquille... Je vais vous expliquer tout ceci, d'accord ? C'est ce que vous voulez ? Loin de se débiner, mon frère approuva en secouant la tête de haut en bas, et en criant le nom de notre soeur afin de l'appeler. Nous nous retrouvions donc sur le canapé, en face d'une mère stressée qui allait nous en dire davantage sur notre famille. Vous, mes enfants... Je vous aime énormément, et je sais que le départ de votre père vous a blessé, vous fait vous sentir mal. Et ceci est ma faute, mais je ne vais pas revenir dessus... Je voulais que vous sachiez que je vois depuis quelques temps un homme... Il s'appelle Timothy Geithner et... Nous nous connaissons depuis longtemps... Notre mère ne savait pas parler aux gens, encore moins quand elle était nerveuse et qu'il fallait qu'elle dise les choses avec clarté. Cela était étrange puisqu'elle écrivait des fictions à succès avec un vocabulaire riche et des phrases structurées. Mon frère ouvrit de grands yeux, et se saisit de la parole. Timothy Geithner ? Le directeur de la politique du développement À ces mots, nous restâmes comme des poissons morts, échoués sur la rive. Le silence n'était pas d'or, il n'était que la transition avant la troisième guerre mondiale. Autant dire que ce qui s'en suivit furent des questions, des cris et même des pleurs. Le soir-même, ma mère entra dans ma chambre. J'évitais le plus possible son regard, troublée et complice de ce qu'elle avait fait. Ma chérie... Non maman, s'il-te-plait l'interrompis-je. Je n'ai plus envie d'en parler... Je... La pluie de mon corps perlait mes yeux, se rependant dans les plis de ma peau, cherchant quelque réconfort. Sans hésiter, ma mère me prit dans ses bras, me laissant éponger mon chagrin sur sa frêle épaule avant de lui faire face. Nos visages s'opposaient, et nos yeux se rencontraient enfin. C'est... C'est à cause de moi si papa est parti..? De suite surprise, elle me serra fort dans ses bras avant de me soulever afin de me déposer sur le lit. Je séchais mes larmes d'un revers de manche, avant de les serrer de mes poings, regardant mes chaussures dans la vide. Non, bien sur que non ! Ton père et moi ne nous aimions plus et... Et j'ai tout simplement rencontré cet... Homme politique qui venait de se séparer de sa femme également... Nous nous sommes trouvés, et c'est... Et c'est ma faute si il est parti, mais je ne te regrette pas, non. Je t'aime Hope, je t'aime autant que ton frère et ta soeur. Ma réponse ne se fit pas attendre, même si ma voix brisée par l'émotion m'empêchait certainement d'être parfaitement audible. Mais... Je ne suis pas sa fille... Il le sait, et il m'en veut... Ma mère secoua la tête avant de me saisir les bras, m'obligeant à poser mon regard sur elle. Regarde moi Hope, regarde moi ! Ton père et moi avions traversé une mauvaise période, et nous songions déjà au divorce, et je pensais que cela allait se faire... Tu n'es pas une erreur, et tu n'es pas non plus la cause du départ de ton père. Il est parti parce que je ne l'aimais plus, parce que j'aime cet homme qui me fait du bien, j'aime... Ton père, ton vrai père. J'étais déboussolée, abasourdie et perdue. Je fermais mes yeux, grimaçant au possible, avant de renifler. Je déglutis puis repris quelques bouffées d'air afin de me calmer, et de faire partir ce mal de crâne causé par toutes ces larmes versées. Alors... On va vivre avec ? Vous allez d'abord le rencontrer... Nous avions prévenu cela dans quelques semaines mais vu la tournure des évènements... Nous ferons cela ce weekend. Dans deux petits jours. Tout enfant, surtout en âge de comprendre, aurait surement réagi de manière excessive ou se renfermant sur lui-même, mais je n'étais pas une enfant ordinaire. Mon sourire, je le donnai à ma mère comme simple réponse avant de regarder la fenêtre de ma chambre, de regardant à travers la vitre et d'imaginer pendant quelques secondes ce qu'allait m'apporter l'avenir. Puis, après lui avoir jeté un rapide coup d'oeil, je me laissais doucement glisser sur mon lit, et fermais les yeux. Je ne sais pas quelle forme pris le visage de ma mère, mais elle semblait soulagée lorsqu'elle me souhaita bonne nuit avant de refermer la porte. Mon monde était chamboulé, mais peut-être en bien. Mon frère, ma soeur et moi ne voyions plus notre mère, occupée par son livre, et nous nous retrouvions souvent avec notre nourrice. Était-ce cela la transition vers un futur plus beau ? C'était ce que j’espérais.

L'image que me renvoyait le miroir me plaisait. Du haut de mes seize ans, j'avais la mine ravie et le sourire aux lèvres. Par ailleurs, je ne faisais pas gamine, mais je gardais cet air angélique que mon enfance avait développé sur mon visage, dans mes gestes et attitudes ainsi que mon aura. J'étais fière d'être une jolie petite blonde, et cela ne risquait pas de changer. Tu es prête ? demanda une voix à ma gauche. Surprise, je regardai en direction de la porte qui venait de s'ouvrir, laissant une ombre se glisser à l'intérieur de ma chambre. Apaisée, je souris avant de poser mes mains sur mes hanches, et d'ajuster la robe à ma taille. Oui papa, tout est parfait. Il ne ma manque plus qu'à couvrir ce cou nu et tout sera en ordre. Cet ombre n'était nul autre que mon vrai père, celui qui, il y a quelques années, avait pris place dans notre vie et s'était montré exemplaire. Alors que je regardais sur le plateau de ma commode, en face de mon miroir, je sentais une des mains de mon père sur mon épaule droite. Je me redressais immédiatement, et vis son visage recouvert d'un sourire dans le reflet du miroir. Il tenait dans son autre main un sublime collier, celui qu'il m'avait promis pour cette soirée. D'un rire cristallin, je le fis comprendre que j'avais oublié qu'il ne me l'avait pas encore donné. Sans plus attendre, il me l'enfila autour du cou, me lançant l'admirer dans le miroir. Qu'il est beau... Pas autant que toi Hope. Je ris à nouveau. Merci. Je n'ai jamais été aussi stressée d'ailleurs. Doucement, il me serra dans ses bras, et déposai un baiser sur ma joue, me regardant à nouveau dans cet arme de beauté face à nous. Oh que si... Tu l'as été lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Subitement, je lui fis volte-face, gloussant vivement avant de me reprendre sur le champ. Voyons, avec la semaine que ma soeur, mon frère et moi avions vécu, je ne pouvais qu'être nerveuse. Cela fait bien quatre ans, et... Et je ne me souviens plus de l'état quand lequel j'étais. Je pense avoir été dans une sorte de transe. finis-je par avouer en riant discrètement. Il me sourit agréablement, avant de me saisir les mains comme s'il allait me bénir. Hope, cette nuit là a été pleine de paroles qui nous ont tous fait mûrement réfléchir sur notre situation. Et tout s'est arrangé... Tu es ma fille, Hope, et tu es promise à un grand avenir, le meilleur de tous. Papa, je ne ferai pas de politique. Je te vois venir, je te connais quand même à présent, et j'aime les livres. Je veux étudier la littérature, je sais ce que je veux. Mais je te connais aussi Hope. Tu es aussi têtue que moi. Tandis que je me retournais une dernière vers le miroir, je reposais mes mirettes sur le magnifique présent qu'il venait de me donner. Une preuve d'amour avant d'être une preuve matérielle. C'est de famille papa, c'est de famille. Il éclata de rire avant de se racler la gorge, et de diriger son regard vers la porte. Il semblait nerveux, et je saisis de suite la situation. J'ai compris, il faut y aller. Et une soirée pour inaugurer ta montée dans la politique. Membre du conseil en finances de Washington, ce n'est pas rien papa ! Il me fit un clin d'oeil avant de me saisir à nouveau la main, me dirigeant avec lui vers la porte de ma chambre. Et ce n'est pas fini Hope, je compte bien faire de notre famille la plus heureuse et l'une des plus riches. C'est sur cette note positive, et nos sourires échangés que cette soirée débuta, entre un père et une fille, bien que mon frère, ma soeur et ma mère étaient également de la partie. Était-il normal que j'avais oublié le père qui m'avait élève enfant ? Peut-être que oui, peut-être que non, mais il était si bon mon géniteur, et si attentif malgré le travail pesant que lui incombait sa soif de pouvoir. Par ailleurs, je ne lui en voulais de rien du tout, il était blanc dans l'affaire où je fus victime. Par contre, j'eus toujours du mal à regarder ma mère avec le même amour depuis, même si la suite des évènements allaient me faire comprendre que cette vie de rêve allait devoir me coûter quelques sueurs.

Fini le lycée, fini de voir ces gueules de cons. J'étais enfin libre et heureuse de tout quitter, tout. Alors que je me dirigeais vers la porte de sortie principal, j'entendis mon prénom retentir. Je me retournai avec hâte, ouvrant grand mes bras et accueillant une forme familière que j'avais déjà reconnu. Shelley, c'est enfin fini ! criai-je avec entrain. Une fois dehors, nous échangeâmes quelques rires, regardant de loin ce lycée qui nous avait tant ennuyé. Alors, tu penses que l'on va encore se retrouver avec d'autres fils et filles à papa plein aux as à New York University ? Sur le coup, je haussais les épaules sans trop savoir répondre. Après tout, je n'étais pas médium et je ne pouvais prévoir. La réputation de cette école était humble, contrairement à ce lycée que nous venions de quitter et qui ne sentait ni l'amour, ni le partage. J'en sais rien, et puis, ça ne pourra pas être pire qu'ici, vrai ? Totalement vrai... Et puis, nous y allons toutes les deux. Ensemble depuis la première année du lycée, ensemble jusqu'à la fin des études. Nous nous arrêtâmes au niveau du parc, à quelques pas de NY University. Dans un élan d'affection, je la pris dans mes bras, et la serrai fortement contre moi. Que j'étais heureuse d'avoir rencontrée Shelley au lycée. Sans elle, j'aurai été malheureuse et terriblement mauvaise, j'aurai été une vraie peste. Tu es adorable Hope... D'ailleurs, tu continueras tes activités extrascolaires ? En plus de m'habiller bien et sans copier les autres ? Nous nous mîmes à rire bêtement. Sérieusement... Oui. Je fais de la danse depuis que je suis gosse, et mon... Mon père, le vrai, m'a inscrite à ce merveilleux cours de gymnastique acrobatique. J'aime trop la danse pour arrêter, ainsi que l’acrobatie. Et puis, cela me fait plaisir de faire cela, ce n'est pas comme si on me l'imposait. Shelley me regardait avec une certaine admiration, avant de prendre place sur un banc, laissant sa tête aller en arrière et de glousser. Mais comment fais-tu ? Je ne serai pas capable de tout faire... Cela doit être de famille. Je pris place à ses côtés avec délicatesse, la regardant avec amour. Tais-toi, arrête de dire des bêtises. Tu as tellement de facilité de compréhension, et tu as obtenu le plus haut score au test de logique. Qui parmi ces cons peut se vanter d'être la grande Shelley, la tête en science ? Personne. Elle se redressa, attendrie et me saisit par le cou, me serrant contre elle. Je bouffe tes cheveux, biatch. Elle secoua sa chevelure comme réponse, avant de rire avec moi. Telle était Shelley, tels nous étions. Elle avait été la meilleure chose qui me soit arrivée, et devint rapidement ma meilleure amie. Elle m'avait conseillé sur l'amour car si il y avait bien un domaine dans lequel j'étais affreusement maladroite, c'était bien l'amour avec la drague et la technique pour faire passer un message en douceur. Cependant, plus je la connaissais, plus je l'appréciais. Peut-être trop même. J'avais toujours été attirée par les hommes, mais elle a été la seule à me faire douter. Peut-être l'aimais-je ? Non, je l'aimais mais je ne lui dirai pas. Je préférais taire mes sentiments. Après tout, cela n'avait pas été différent de d'habitude. À côtoyer des personnes hypocrites, j'avais réussi à me blinder, et réussir à être réellement méchante, vexante et secrète. Ma vie ne regardait que moi, et me rendait solitaire. Et ma famille n'était plus la même. Mon grand frère était moins présent, ma soeur et moi commencions sincèrement à nous haïr et mon père changeait. Il était plus égoïste, plus froid. Il aimait son travail plus qu'autre chose, et je me rendais compte que je n'étais qu'une stratégie parfaite pour le montrer comme une figure paternelle parfaite. Plus je le voyais et moins je l'aimais. Je ne peux pas te parler Hope, j'ai à faire. ou prépare-toi Hope, il y a un évènement important et vous êtes conviés. L'amour entre un père et une fille était d'user l'un de l'autre ? J'étais son image, il était ma banque. Nous étions les pantins d'une politique masochiste destructrice.

Claquant la porte violemment, je faisais quelques pas en direction du salon, et vis mon père allongé sur le canapé, vautré dedans, face au téléviseur allumé. Papa... Arrête déclarai-je en me saisissant de la télécommande et d'éteindre la télévision. Grommelant comme un ivrogne, il ne daignait me regarder. Je ne suis pas ton père... Je ne suis plus ton père alors... Cesse Hope, cesse... Ne me vois plus. Ton "père" t'attend, avec ta mère, ils s'inquiètent. D'un coup, je sentis mon sang ne faire qu'un tour. La moutarde me monta au nez, et je me mise à hausser la voix, en colère. Ils n'en ont rien à foutre de moi ?! Qu'est-ce qu'ils en savent de l'amour ? Une femme soumise qui n'assume toujours pas ces putain de conneries, et un... Un père qui se fout royalement de tout. De tout... Je me calmai doucement, les yeux dans le vague, et m'asseyant près de lui. De moi... Le silence venait de prendre place sur le ring, et avait mis K.O. la moindre discussion civilisée entre nous. Cependant, et contre toute attente, mon premier père, celui de qui je tiens le nom, celui qui m'a reconnu, se redressait, attendri sans doute, et me regardai avec insistance et une certaine tristesse. Hope... Non, Alisea... Ta mère n'a jamais pu assumé le regard que tu poses sur elle... Mais elle t'aime, et elle aime son mari... Tu devrais probablement porter son nom, il a tout ce qu'il faut... Avait-il entendu la fin de ma phrase ? Sans doute pas. Les larmes avaient entièrement pris d’assaut mes yeux. Une main dans mes cheveux, les relevant doucement, je finis par tourner ma tête en sa direction, pleurant dans un silence monstrueux, un regard vide et attristé sur lui, éclairant sa propre culpabilité. Il ne m'aime pas... Il aime ce qu'il fait, il... Enfin, non. Je ne veux pas devenir une Geithner, je veux rester une Jenkins. C'est la seule chose qui me reste de mon passé, de mon enfance, et qui me raccroche à l'innocence dans laquelle je vivais. Maintenant, je ne vois que de l'argent, j'assiste à des soirées, je me fais draguée et courtisée comme si j'étais une reine parce que... Mon père représente une partie des Etats-Unis. Mais toi, tu représente ma famille. Je venais de dire le fond de ma pensée, la vérité à mes yeux, et cela le touchait tout comme moi. Il déglutissait avec mal, baissant ses pupilles sur son pantalon afin d'éviter le moindre regard. Il était mal, et je n'étais pas désolée, seulement lassée. Il... Il a fait quelque chose ? Je veux dire, il t'a fait quelque chose..? Mon souffle se coupa net, et regardant droit devant moi comme pour me cacher, je me souvins de la dernière vraie conversation que j'eus avec mon nouveau père quelques jours auparavant. J'étais en pleures car mon frère venait de quitter ses études en sciences pour une raison qui m'était inconnue. Il me fallait une explication, contre vents et marées. Je lui avais demandé pourquoi ce changement, et pourquoi de son plein gré. Humble et même désintéressé, il m'avait presque ignoré, avant de me répondre. J'aurai préféré ne jamais entendre. Tu... Tu l'as écarté à cause de son comportement ? Hope, écoute, je me suis occupé de lui. Il allait ternir notre réputation, alors il fallait que j'agisse. Il voulait partir à la base, alors j'ai fait en sorte que ce soit le cas. Non, tu m'embrouilles là. Il n'allait pas ternir notre image, ni la mienne, ni la tienne, je connais mon frère. Dis moi ce qu'il se passe ! Il avait alors haussé la voix, comme j'avais fait de faire, et m'avait regardé droit dans les yeux. Ton frère a délibérément envoyé un homme à l'hôpital au cours d'une bagarre. Il est déshérité mais avant de partir, il a reçu de quoi subvenir à ses besoins pour plusieurs années au moins. Ces propos m'avaient choqué, et je ne pouvais que répliquer, bien que le combat était perdu d'avance. Il va mal ! Il a perdu son meilleur ami dans un accident de voiture, tout ce dont il a besoin, c'est d'un père et d'une mère, et non de se sentir rejeté comme s'il était la peste ! Il avait repris son calme, et finit par m'achever avant même que je ne pus déclencher un réel débat digne de ce nom. Je n'ai pas à m'occuper de ce genre de choses Hope. Il a ses problèmes, il les règle mais pas de la sorte. Ton frère a toujours été un danger pour notre famille, et il fallait qu'il s'en aille tout comme ton autre père. J'avais compris à l'instant que le véritable lien entre mon frère et mon premier père n'était pas d'avoir un lien de sang mais d'avoir été chassé de cette famille, quelque soit la manière, par cet homme qui était mon père biologique. Ce souvenir horrible me hantait, tant la façon dont il m'avait dit cela avait été glacial et dépourvu de la moindre compassion et émotion. Les larmes se stoppaient enfin alors que j'étais perdu dans mon souvenir, sans doute à force d'avoir trop pleuré. J'étais vidée, dans tous les sens, épuisée et exténuée, pratiquement morte. Mon père me saisit alors dans ses bras, et malgré l'odeur de la bière, j'éclatai en sanglot en le serrant encore plus fort, de longues minutes durant. Alors que j'essayai de me calmer, il prit mon visage entre ses mains et tenta de me regarder dans les yeux. Il t'a fait du mal ? C'est par rapport à ton frère ? J’acquiesçai de la tête à sa seconde proposition. Il soupira alors avant de reprendre calmement. Hope... Je sais que ton frère et toi étiez extrêmement proches, et qu'il t'a protégé et aidé comme personne, mais il a commis une erreur et ne l'a pas assumé comme un adulte qu'il est. Étrangement, venant de lui, cette affirmation me semblait moins injuste. Tu... Tu as peut-être raison... Il fallait que je regarde la vérité en face; mon frère avait toujours été un perturbateur qui aimait déclencher les bagarres, et perdre son meilleur ami l'avait plongé dans une haine plus profonde que celle d'avoir un nouveau père, chose qu'il n'avait jamais accepté. Je ne devais pas être rongée par cette haine, je ne pouvais pas. Rentre chez toi Hope, et cesse de me voir, pour ton bien. Tu as un grand avenir devant toi ma chérie, ne l'oublie jamais. C'est exactement ce que mon père biologique m'avait dit. Je finis par sourire avec difficulté, rassemblant mes esprits et me levant du canapé. Avant de m'en aller, et alors que j'étais dos à lui, je pris une énorme inspiration. Je t'aime papa, et jamais je ne t'oublierai... Il devait savoir que personne ne l'avait remplacé, et qu'il était présent jusque dans mon nom de famille. Et avant même qu'il ne réponde, je me dirigeai vers la porte d'entrée, sortis avant de la claquer violemment. Mon visage ne transparaissait aucune émotion. Le public, jamais, ne devait devenir mes tristesses et ma vraie nature. Je n'étais pas une femme difficile d'accès, excentrique et hautaine, mais simplement une fille blessée qui a du mal à comprendre l'univers dans lequel elle se doit d'évoluer, contre sa volonté et ses propres principes moraux. Cet épisode m'aida à remonter la pente, et je finis par m'excuser auprès de mon père, en revenant à la maison rejoindre ma mère et ma soeur. Je ne parlai plus, par la suite, de mon frère, et faisait comme le reste de ma famille: je taisais les sujets qui fâchent, et jouait la comédie, feignait être la parfaite femme avec ses qualités et ses défauts de riches. Quelques mois plus tard, Barack Obama décida de nommer mon père comme secrétaire au Trésor. Deux mois plus tard, il fut élu avec soixante voix contre trente-six. Mon père venait de représentait Brooklyn comme il se devait, et d'être un des secrétaires officiels du pouvoir. Un grand pouvoir que je contemplais, impuissante et songeuse.

Tu vas me manquer amour ! Toi aussi tu vas me manquer mais... Tu dois vraiment partir ? On en a déjà discuté... Je viens d'atteindre la majorité, et... J'ai besoin de souffler loin d'ici, et j'ai de très bon échos de l'Université de Brown. avouai-je dans un soupir se voulant rassurant. On se reverra peut-être... Dans les bras l'une de l'autre, c'est ainsi que Shelley et moi nous dîmes au revoir. Un dernier baiser sur la joue, un regard emplie de nostalgie précoce, et je tournai le dos à New York progressivement. Chez moi, l'ambiance était plutôt tendue, mais mes parents étaient contents que je prenne mes responsabilités. Surtout mon père. Tu vas réussir dans tout, Hope, et tu vas montrer ce que c'est qu'être de notre famille ! Avec sympathie, je lui fis mon plus beau sourire, sincère et réel, avant de fondre dans ses bras, comme un bébé bercé par sa mère. Merci père... Je vais y arriver. Je me redressai afin de pouvoir le regarder droit dans les yeux, forte et déterminée. Je crois en moi, et je sais que je vais réussir, même si m'inscrire en milieu d'année est quelque peu risquée, tout comme intégrer une confrérie. Ne te fais aucun soucis pour cela, ta venue est attendue et ta place est réservée. Tu intégreras facilement la confrérie de ton choix. Quel numéro ! Je roulai des yeux afin de lui montrer que cela me déplaisait légèrement de ne pas avoir pus m'imposer de mon propre chef, mais je jouais le jeu, et acceptais ce cadeau. Ma mère, se faisant timide jusqu'à lors, hésitait doucement à me serrer dans ses bras. Elle finit par se laisser convaincre par mon air excité, et m'étouffa presque d'amour. Hope... Reste toi même et ne te laisse pas faire. C'est un pléonasme, ça, maman. De suite, elle rit, évacuant sa nervosité, et me serra une dernière fois avant de me laisser quitter ses bras. Les valises en main, je mis tout ce dont j'avais besoin dans ma voiture, et démarrai le moteur jusqu'à Rhode Island. Une longue m'attendait. Sur place, je n'eus aucune surprise, car bien que j'eus quitté ma soeur, ma mère et mon père, j'avais retrouvé celui qui m'avais toujours été fidèle. Mon frère. Après m'être installée dans une maison que mon père m'avait acheté pour l'occasion, je recevais enfin mon frère que je n'avais vu depuis quelques temps. Hope ! me cria-t'il avant d'ouvrir grand ses bras en s'avançant vers moi. Je poussai un cri strident avant de voler dans ses bras, me jetant littéralement dedans. Notre étreinte était sincère et forte. Qu'il m'avait manqué pendant tout ce temps, même si évoquer son existence au sein de notre famille n'était plus d'actualité depuis son départ anticipé. Waoh, tu sembles en forme ! Et toi alors ! Que fais-tu ici, dis moi ? Tu m'avais promis que tu me le dirais soeurette ! Une petite moue s'affichait sur mon faciès, comme si j'étais gênée. Et bien, à vrai dire... J'avais besoin de m'éloigner de ce monde là-bas, c'était invivable, sans compter que je sentais mon père qui me surveillait malgré lui, et ce n'était pas supportable. Il roula les yeux et me reposa délicatement. Il t'a toujours protégé comme je le faisais, mais il n'y a que moi qui peut menacer les hommes qui osent te regarder mal ou te draguer. De suite, je posai mes mains sur son torse, me faisant prendre conscience de sa musculature imposante qui devait en faire fondre plus d'une. Tu me laisses tranquille sur ce sujet, surtout vu comment je suis douée en amour mais... Toi et ton corps de dieu, tu dois bien t'éclater. Avec difficulté, je retenais mon rire que je ne pus contenir très longtemps tandis que mon frère restait calme, et dissimulais un sourire. Que dis-tu... Oui bon enfin, tu as raison, mais maintenant, je pense sincèrement à me poser... D'ailleurs, je suis allé à Brown comme remplaçant d’entraîneur sportif, et vu le niveau, tu vas t'y plaire. J'espère m'y plaire, et de toute manière, je n'ai plus le choix. J'étais sincèrement heureuse de pouvoir passer plus de temps avec mon frère, de pouvoir lui parler et enfin le voir quand je voulais. Il y a quelques petites semaines, j'ai intégré Brown avec mon sourire d'ange, et mon air "sur de moi". Ne pas me laisser marcher sur les pieds, garder ma vie pour moi, protéger l'honneur de mon père. Telles étaient mes nouvelles devises. Nouvelle année, nouveau défi.