Je n’avais pas eu le temps de comprendre ce qui m’arrivait réellement. Je ne pensais pas qu’ils iraient jusque là pour m’avoir. Je savais ce que ce soir signifiait, je savais pertinemment qu’on allait en prendre encore plein la gueule, mais j’adorais ça. C’était jouissif, à la limite du sadisme, je sais. J’avais eu l’intention de rentrer dans ma piaule et dormir un peu. Mais les Kappa c’était ça : Frapper au moment où on s’y attendait le moins. La tête cagoulé, tombant à la renverse, je connaissais le rituel, je connaissais les plans de ce soir, mais de là, à m’attraper dans la rue un violeur l’aurait fait avec sa proie ça m’avait quelque peu déstabilisé. Quelques minutes plus tard, j’étais assis et ligoté. J’entendais les autres arrivés au fur et à mesure et même si j’avais encore ce fichu truc sur la gueule, je ne pouvais m’empêcher de sourire aux coins. Le jeu allait commencer, à mon plus grand plaisir. En temps normal, c’était les petits nouveaux qui avaient le droit à cette initiation, comme moi j’avais pu la passer avec Desmond au Brown Stadium. A vrai dire, je me souviendrai toujours de cette nuit-là, de cette souffrance et de ce plaisir intense. De cette fameuse épreuve du combattant qui nous a tous deux fait perdre la raison ce soir-là. A l’époque, je m’étais demandé où ils allaient chercher leurs idées de torture, mais plus c’était poussé plus j’aimais ça. C’était systématique. Et encore une fois, ce soir j’allais apprécier cette initiation. Mais ce n’était pas pour les bizuts, non. C’était pour tous les membres de la confrérie, histoire de ne pas leur faire oublier d’où ils venaient et par où ils devaient passer pour être un Kappa. Ca arrivait souvent ses remises à niveau, et au final j’en avais pris le pli. A chaque fois j’étais accompagné de mon cher compagnon de souffrance, et je supposais que ce soir lui aussi allait être de la partie. Nous étions là pour surveiller que tout se passe bien, certes, mais à vrai dire, je supposais que dans la confrérie nous étions les seuls à accepter de revivre ça sans cesse. Qu’importe les épreuves, j’y fonçais tête baissé…Ca créer des liens, on était frères, on souffrait ensemble, on mourrait ensemble. C’est surement pour ça que j’appréciais à chaque fois les petits nouveaux. Rien de mieux que de ce genre de soirée pour découvrir la véritable identité d’une personne. Et c’était surement pour ça qu’on continuait à en faire, pour voir si les Kappa étaient toujours ceux qu’ils prétendaient être.

Nous étions tous alignés, dans cette cave miteuse, tous enchainés à ces chaises un peu bancales. Digne d’un film d’action où la scène d’interrogation avait sonné. Ils effectuaient leur petit roman du début, histoire de nous effrayer et de nous briefer sur les évènements à venir. On m’avait légèrement briefé sur la soirée, mais tous les détails je ne les connaissais pas pour rendre la soirée plus intense. En les écoutant, j’avais essayé de me défaire de ses chaines, mais ces sales nigauds avaient quand même bien serrés. Une fois que tout le monde était parti, je savais que je n’avais pas le canif. Je regardai à mes confrères pour savoir si y’en avait un qui se déclarait. Raf. Ca ne m’étonnait pas. Et bien, on était mal barré avec lui. Une belle pirouette et le voilà par terre, son pied dans mon entre-jambe. Je finis par en rire. « Je savais pas que t’étais de ce bord, Seacrest » Pourtant je m’exécutais, sinon on n’allait jamais sortir de cette cave où l’odeur de l’humidité m’irritait le nez. Son pied vint un peu plus à glisser, la chaussure tentant de rester accrocher à son pied, sans doute le canif qui la bloquait bien. Finalement, après quelques minutes, la chaussure céda, son pied retomba au sol. Avec le mouvement, la chaussure roula le long de mes cuisses mais je finis par la stabiliser, le canif reposant à moitié dedans, à moitié sur moi. « La prochaine fois, pense à te laver les pieds hein » Ouai, ça puait mais vu sa gueule de bois, il avait sans doute pas eu le temps de le faire. Finalement je me retournai vers Desmond et lui souris. « Allez chéri…J’ai toujours su que tu voulais te frotter à moi » Fallait bien que quelqu’un puisse attraper ce fichu canif.