"- Je remercie encore le ciel et mes parents de m'avoir donné la vie. Ils sont le bien que je chéris le plus sur cette terre tant ils m'ont inculqué des valeurs et des principes qui m'ont aidée dans la vie. Je leur dois une grande partie de ce que je suis aujourd'hui et ce même si la vie n'a pas toujours été des plus faciles. Je ne me plains pas, car d'autres ont eu bien moins de chance que moi. En dehors des changements fréquents de ville qui ne m'ont pas aidée à me sentir réellement chez moi quelque part, j'ai eu tout ce dont j'avais besoin. Et on a besoin de peu de choses pour être bien tant qu'on est entouré, qu'on a la santé et que la vie semble vous sourire. "

Mon père m'a toujours dit que ce n'était ni l'argent, ni la popularité qui rendait de la valeur aux yeux des autres, mais bien les actes que vous accomplissez et la générosité envers les autres dont il faut toujours faire preuve. Ne jamais frappez quelqu'un qui est déjà à terre, rester sincère et vrai, autant que vous le pouvez. Ses paroles, toujours je m'en rappellerai, comme d'une douce litanie ou comme les jolies histoires qu'il me racontait avant de m'endormir. Il n'était pas très présent, mais il faisait de son mieux. Il avait fait un choix pour sa patrie, celui de se dévouer corps et âmes pour l'armée. Cela avait toujours été son grand rêve. Je l'admirais pour cela mon papa. Cet homme grand, fier et ténébreux, plein de bravoure et de courage. Aujourd'hui encore, je ne sais pas comment avait fait ma mère pour vivre avec cette absence de l'homme qu'elle chérissait autant. Elle aussi, était une femme courageuse et forte. Deux beaux exemples que j'aimerais tant suivre.

Je voudrais que de là où il me regarde, de là où il veille sur moi, il soit fier de chacun de mes choix, de chacun de mes actes. C'est une chose importante pour moi, il me manque tant. Mais je sais que là où il est, le seigneur doit veiller sur lui et lui veiller sur moi. Parfois, je ressens sa présence, mais peut-être est-ce manque que je ressens au creux de mon estomac quand je pense ou parle de lui, qui me fait divaguer. Parler de lui ne m'est pas facile, il arrive qu'après autant d'années, ma voix se brise encore en éclat quand j'évoque sa mort. Je sais que cette peine que je ressens ne s'en ira jamais même si je continue d'avancer. On n'oublie jamais rien, mais on vit avec ça.

Nous avons tellement changé de place mais c'est à Londres en Angleterre, que je suis née. Ma mère est médecin. Elle est anglaise. J'ai vécu là-bas pendant trois années. J'étais encore un bébé quand elle a décidé que nous suivrions papa dans ses diverses affectations. Elle voulait vivre près de lui, c'est normal. Je ne lui en ai jamais voulus de ses fréquents départs. Pourtant, il n'y a rien de plus dur que de dire au revoir à vos amis. Rien de plus difficile que d'être sans arrêt déracinée. Mais rien n'est jamais facile dans une vie.




Le 3 mars 2002, TEXAS près de Bergstrom Air Force Base. Une journée radieuse, comme chacune de celle que je passe ici au Texas. J'aime beaucoup cet endroit, ça fait bientôt trois ans que je me suis installée ici avec ma famille. Mon père est pilote pour l'armée de l'air et actuellement il est en mission en Irak. Malgré que je sois heureuse, chaque jour je m'inquiète. J'ai peur, j'appréhende de rentrer à la maison après l'école et que ma maman ne m'annonce une mauvaise nouvelle. J'ai beau n'avoir que douze ans, je suis consciente des risques qu'il courre chaque jour que dieu fait. Pourtant, même si je suis triste, cela renforce encore la fierté que je ressens d'être sa fille.

- Flashback, 3 mois plus tôt. -

"- Maman, mamaaaan ! " M'écriais-je en rentrant de l'école.

J'étais surexcitée, c'était mon anniversaire et en prime je rapportais une bonne note en math et en histoire. Je mettais vraiment beaucoup de soin à ramener de bonnes notes de l'école. Je savais que ça faisait plaisir à mon père. La réussite avait beaucoup d'importance à ses yeux, j'étais encore trop petite pour le comprendre, mais je voyais bien son sourire lors de nos vidéoconférences sur le net. Le seul moyen pour moi de contacter mon père lorsqu'il était en mission comme maintenant et encore ces moments étaient très rare. Je ne la vis pas directement en entrant mais j'entendis sa douce voix me dire de la rejoindre dans la cuisine. A mesure que mes petites jambes me rapprochaient de la pièce, je sentais une incroyable et merveilleuse odeur de cookies venir me chatouiller les narines. Un sourire collé sur mes lèvres j'entrais pour lui faire la bise.

"- J'ai eu deux bonnes notes aujourd'hui. Dis, maman tu penses qu'il va appeler aujourd'hui, dis ? "

Je la regardais suppliante avec une petite pointe de mélancolie dans mes yeux. Aujourd'hui c'était mon anniversaire et le seul cadeau qui me ferait plaisir c'est d'entendre sa voix.

"- Ma chérie, tu sais bien qu'il fera tout son possible. Tu es sûre de ne pas vouloir inviter tes camarades ? "

Elle me serra dans ses bras et déposa un baiser sur mon front. Elle était triste que je ne souhaite pas fêter mon anniversaire comme toutes les petites filles de mon âge, mais je n'avais vraiment pas envie d'un stupide goûter d'anniversaire. J'avais des camarades oui mais j'avais tellement l'habitude de devoir leur dire au revoir que je tentais de ne pas trop m'y attacher. Je lui fis un léger signe non de la tête.

"- Non, j'ai pas envie, toi seul me suffit et papa s'il peut m'appeler. "

Elle lâcha un léger soupir, elle savait que j'étais têtue et ça faisait un mois qu'elle me harcelait presque pour que j'invite des amis. Mais rien n'y avait fait. Le soir venu, il n'avait toujours pas appelé, il ne m'avait pas souhaité mon anniversaire. Je n'avais presque pas touché à mon gâteau et j'avais fini dans mon lit en pleurnichant doucement pour ne pas qu'elle m'entende. Pourquoi ne m'avait-il pas souhaité bon anniversaire. J'avais mal, j'étais peinée. Pourtant, je savais que même s'il ne m'avait pas téléphoné, il devait penser à moi. Je savais qu'il m'aimait.

- Fin du flashback -

Ce ne fut que plus tard, que je comprenais pourquoi mon papa ne m'avait pas téléphoné. C'était le 3 mars, jamais je n'oublierais cette date. Je venais de rentrer et de trouver ma mère en pleure. Son avion avait été abattu et on avait pas retrouvé son corps. Ce jour fut le plus triste de toute mon existence.




Le 1er août 2009, Falls Church en Virginie. La vie avait continué son petit bonhomme de chemin. La peine ne disparaît jamais, mais elle s'amoindrit avec le temps. Nous avons déménagé, deux ans après son décès pour la Virginie. On a continué d'avancer, moi affairée à mes études et ma mère ouvrant un petit cabinet. Elle est médecin de "famille" et reçoit les gens de la ville à la maison pour ses consultations ou se déplace parfois chez eux. La vie à tout simplement reprit son cours. Je suis une prodige du chant et de la danse d'après ce que raconte mon professeur particulier. Tellement qu'un recruteur universitaire m'a repérée et est près à m'offrir une bourse pour aller étudier à Providence dans le Rhode Island. Je sais que mon père aurait été très fier. Quand j'ai annoncé à ma mère que j'étais presque certaine d'obtenir une bourse pour Brown University, elle était aux anges. Mon avenir était assuré. Mais, une personne en fut moins heureux. James, mon premier petit copain et le seul que j'ai eu d'ailleurs. On sort ensemble depuis bientôt trois ans. Il a toujours pensé que j'opterais pour la même université que lui, pour qu'on ne soit pas séparé. La nouvelle fut difficile à encaisser pour lui. On dit que souvent les enfants reproduisent le schéma de leurs parents. Pourtant, ce n'est pas ce qui a motivé mon choix, non.

"- Bébé, pourquoi tu tentes pas Yale. Tu n'aurais pas à partir si loin, on serait ensemble. On avait des projets. Tu fais chier Jen' je veux pas que tu partes là-bas ! "

J'étais plantée devant lui, mon regard posé dans le sien. J'étais ennuyée que mon départ l'attristait autant, l'irrite même. Mais je n'exprimais pas le moindre sentiment. Je n'ai pas une pierre à la place du cœur, mais mon choix est fait.

"- Tu sais bien que j'ai pas mon entrée toute assurée comme toi à Yale. Ils m'ont pas proposé de bourse et on roule pas sur l'or ma mère et moi James. C'est Brown qui m'offre une bourse... Si je vais là-bas, je suis sûre de réussir mon avenir et de plus, en faisant ce que j'aime..."

J'avais voulu le prendre dans mes bras, mais trop fier il m'avait repoussée. Il mit quelque bonnes semaines à me pardonner. Chaque jour, je lui disais que nos sentiments pouvaient tenir et battre la distance. Qu'on se verrais pour les vacances, d'avoir confiance. On se fit la promesse de ne pas s'oublier, de se téléphoner, il y avait aussi le net pour rester en contact. Pourquoi ne pas tenter de tenir le coup. Une semaine plus tard, je faisais mes bagages pour rejoindre Providence,et Brown University.

Mon premier jour d'étude à l'université se passa magnifiquement bien et j'avais déjà décroché une invitation pour une grande fête qui allait se dérouler dans une fraternité. Les "Phi Kappa Tau", le nom sonnait bien, j'aimais ; Alors je m'y suis rendu, j'ai rencontré la personne qui m'avait un invité, un jeune garçon magnifique qui ne me laissait pas indifférente. Nous avons discuté, bu, dansé légèrement ensemble puis il m'a présenté à ses amis. Alors que je lui racontais un peu mon passé et la raison de ma venue ici, il souri et lâcha d'un air amusé :

"- Tu es chanteuse ? J'adorerais t'entendre chanter... "

Il se relevait des sofa rouge où nous étions assis et s'empressa de monter sur la petite scène qu'il y avait là. Il prit un micro et demanda l'attention des fêtards. Quand il l’eut obtenu, il raconta alors ma venue et indiqua que j'allais leur chanter un petit quelque chose. J'étais gênée au possible puis souriant de honte je me levais et le rejoignait sur scène. Je prenais le micro en main puis saluait la petite foule qui me faisait face. C'était la première fois que j'allais chanter devant tant de monde... Je regardais ce même garçon qui descendait de scène et prenait place au premier rang, juste devant moi puis j'annonçais au micro que j'allais chanter une chanson composée par moi-même et intitulé "Cry Me Out".


Le succès fut sans appel mais ce n'est pas pour autant que j'intégrais la fraternité. Aujourd'hui cela fait trois ans que je suis à Brown et tout se passe bien pour moi. J'ai quelques amis avec qui je passe le plus clair de mon temps mais je n'ai encore rejoins aucune fraternité malgré le fait que je rêve d'intégré les Phi Kappa Tau...