Vous savez, j’aurai aimé naitre avec une cuillère en argent dans la bouche, n’avoir qu’à me soucier si mes chaussures étaient raccord avec mon dernier sac Chloé, ou du lieu de mes prochaines vacances. Mais ça n’a pas été le cas… A la place j’ai grandi dans un appart’ au cinquième étage sans ascenseur à Chinatown. On je dois l’avouer ce n’était pas si horrible que cela. Les voisins du dessus étaient charmants, ceux d’en-dessous un peu casse-cou, on pouvait à peine marcher dans l’appartement sans qu’ils se plaignent… Heureusement ils ont déménagé alors que j’avais 10 ans, les autres étaient beaucoup plus cool. Ils possédaient un petit restaurant à deux rues, et ils nous ont engagés mon frère et moi en extra. Ca nous permettait de ramener un peu d’argent à la maison… Hayden a deux ans de plus que moi, c’est mon demi-frère, on n’a pas le même père… Lui non plus ne sait pas qui est son géniteur, je crois que même ma mère ne sait pas qui c’est… Ma mère a eu une période, où pour essayer de s’en sortir, de se faire de l’argent facilement, elle trainait dans des lieux dit « branchés », elle se faisait belle, séduisait des mecs qui avaient plus d’argent que de matière grise et s’invitait dans leur lit le temps d’une nuit, parfois plus. A chaque fois, elle réussissait à avoir quelques choses, un bijou, des vêtements haute couture, de la coke, un gosse… Quand elle a eu Hayden, ça à un peu compliqué les choses, mais elle a continué, le faisant garder par les papis chinois du dessus… Puis elle m’a eu moi… Elle a bien tenté de continué aussi, mais ça a commencé à être vraiment compliqué avec deux gosses en bas âge à la maison… alors elle a décidé de prendre ses responsabilités de mère, elle a arrêté la fête, la coke, de coucher à droite à gauche… Elle a pris un boulot dans une boutique de fringue et voilà…
Je ne déteste pas ma mère, certes elle n’a pas toujours pris les meilleures décisions dans sa vie, mais elle a pris ces responsabilités. Sans ces erreurs, ni Hayden, ni moi ne serions là, alors non je ne peux pas lui en vouloir pour ça. C’est sur que ce n’est pas toujours évident, que certains mois, on doit se serrer la ceinture, manger des pâtes à tous les repas, ou les restes du restaurant que les voisins veulent bien nous offrir… Mais voilà, c’est ma famille. En décidant d’assumer son rôle, ma mère n’a pas fait n’importe quoi, elle a décidé que nous ne mènerions pas la même vie plus tard. Que nous ne compterions pas chaque centime pour savoir si nous pouvions payer le loyer…
Peut-être que ma mère n’a pas de diplôme, mais elle n’est pas bête pour autant. Nous n’avions peut-être pas beaucoup de moyens, mais il n’était pas question que nous étudions dans une école publique… Elle a fait marcher quelques unes de ses anciennes relations (je ne veux pas savoir comment, je pense que ça me traumatiserais…) et nous a fait rentrer dans une école privée côté de l’Upper East Side… Hayden devait avoir hérité de plus de gènes Upper East Siddien que moi, car il se mêla sans difficulté à ce monde, alors que moi je restai en retrait. Ou peut-être était son charme, son petit côté interdit qui excitait autant les filles, et qui impressionnaient les mecs… Bref, moi et ma timidité, on restait à l’écart de tout ce petit monde, perdu dans un uniforme d’occasion trop grand.
J’ai toujours aimé aller à l’école, certes ce n’était pas pour la super bande d’amis que j’avais là-bas. Bon je n’étais pas seule au monde, mais je n’étais pas non plus très entourée… Non j’adorai aller à l’école pour apprendre, découvrir de nouvelle chose. Je suis un petit génie. J’enregistre pratiquement tout ce que j’entends, tout ce que je vois. Ayant grandi à Chinatown, je parle pratiquement couramment chinois. En revanche, ne testez pas mon niveau de grammaire… Je sais lire la plupart des signes que j’ai rencontré dans le quartier, mais je ne suis pas sure de pouvoir déchiffrer un journal si vous m’en mettez un sous le nez. Et je serai plus vous parlez de la cuisson du riz que d’économie… Mais c’est un avantage non négligeable quand vous souhaitez souscrire à une bourse pour intégrer un collège huppée, puis un lycée dans le même genre…
Le lycée a surement été la pire période de ma vie… Mon frère est parti à l’université, et m’a laissé seule avec toutes ses petites pestes… J’étais plus seule que jamais… Ma vie sociale s’est complètement stoppée et je n’ai rien fait contre. Je me suis enfermée dans une bulle, mon quotidien était rythmé par l’école et le boulot. J’économisai pour l’université, mon choix était déjà fait : Harvard. J’irai à Harvard. Je savais qu’il n’y avait qu’une seule et unique place dans mon école pour Harvard, et c’est ça qui me donnait la force de continuer. Je devais être première, je devais être la meilleure. J’ai commencé à chercher des activités extrascolaires afin de compléter mon dossier comme faire du bénévolat dans un centre hospitalier lorsque je n’étais pas prise au restaurant, prendre des cours de chinois avec le papi du dessus qui voyait en moi la petite fille qu’il n’avait jamais eu… Je ne pouvais rien tenter à l’école, je savais qu’il ne servait à rien que je cherche à intégrer une quelconque activité… j’avais tout fait pour devenir invisible. Les gens me connaissaient qu’en tant que major de promo, le petit génie boursier. Je n’avais aucun intérêt à leurs yeux…
En dernière année cela à changer. Pourquoi ? La réponse se tient en un nom : Henry Cartwight. Il était beau, populaire, riche, sportif, intelligent, bref un dieu. Un dieu qui m’a limite renversé avec sa limousine alors que j’allai à l’école en vélo… Il est aussitôt sorti de la voiture, il m’a présenté ces excuses, et m’a proposé d’aller boire un verre après les cours. Choc. J’ai bafouillé que je ne pouvais pas, avant de prendre mes jambes à mon cou, enfin, avec mon vélo !
« Harper ! » Je venais de franchir l’enceinte dans l’école quand j’entendis sa voix prononcée mon prénom. Je ne voulais pas me retourner, je savais qui c’était, et je sentais déjà mes joues s’échauffer. J’accélérai légèrement le pas pour rejoindre mon vélo, quand je sentis une main attraper mon bras.
« Hey Harper, tu ne m’as pas entendu ? » « Non, désolée, j’étais dans mes pensées. » j’évitai son regard, cherchant absolument un moyen de fuir. Vite. Je remarquai que tous les regards étaient focalisés sur nous… Je voulais disparaitre.
« Je voulais savoir si tu pouvais me donner des cours de math… j’étais un peu à la traine l’année dernière, et j’ai absolument besoin d’avoir la moyenne ce semestre si je veux rester dans l’équipe… » « Euh… oui bien sûr… » « Super ! A demain, après les cours alors. » Il me fit un grand sourire avant de rejoindre ses amis un peu plus loin. Je m’empêchai de ne pas courir à mon vélo. Mes mains tremblaient alors que je décrochais péniblement l’anti-vol.
Mon cœur n’a jamais battu aussi vite que lorsque les aiguilles de l’horloge approchaient l’heure de fin des cours. J’avais l’impression d’entendre le moindre leurs mouvements. Quand je suis sortie de la salle de classe, en dernière comme toujours, il était là à m’attendre.
« Salut Harper, tu vas bien ? » « Hum oui ca va. On va à la bibliothèque ? » « Je te suis. » Pendant un instant je le soupçonnais de ne pas connaitre le chemin pour se rendre à la bibliothèque… L’heure se déroula… vite, trop vite. Il était brillant. Nos mains n’arrêtaient pas de se frôler, à chaque explication, à chaque exercice, il m’offrait des sourires qui me renversait, et je sentais mon cœur battre un peu plus vite à chaque fois. Je devais me rendre à l’évidence, Henry Cartwight me plaisait. Bien trop pour mon propre bien.
« C’était cool ! On peut remettre ca ? Je crois que j’ai besoin d’une bonne remise à niveau en chimie aussi et… » « Non, je suis désolée mais je n’ai pas le temps. C’était juste pour dépanner. Je suis sûre que tu pourras te trouver un autre tuteur rapidement. » Sans rien rajouter, je tournai les talons. Je n’avais pas le temps pour ça. Je devais me concentrer sur mon objectif. Harvard. Rien d’autre.
« Attends ! Harper ! » Je sentis sa main s’emparer de mon bras, et je fus obliger de lui faire face de nouveau.
« J’ai fait quelque chose de mal ? » « Non rien. » « Alors qu’est ce qui se passe ? » « Je n’ai pas le temps de m’occuper de toi, Henry, c’est tout. » « Mais… » « Il n’y a pas de mais. En plus, tu n’as pas réellement besoin de moi. Je ne t’ai pratiquement rien expliqué de l’heure, tu comprenais tout seul… Je n’ai pas de temps à perdre. » Je me dégageais de son emprise avant de reprendre ma route. A peine avais-je repris ma marche, que j’entendis ses pas à côté de moi.
« Harper… » « A quoi tu joues Henry ? Qu’est ce que tu veux à la fin ? Ne me fais pas croire que ce sont des cours ! Tu peux te payer n’importe qui de plus compétent que moi ! » Je m’étais arrêtée pour lui faire face, ma voix était forte, l’agacement commençait à pointer le bout de son nez…
« Je t’aime bien. » « Pardon ?! » « Je t’aime bien, j’ai envie de mieux te connaitre… et voilà… » Il semblait un peu gêné, et je dois avouer que ça lui allait bien.
« oh… » je ne savais pas si je devais le croire ou pas… en fait mon esprit avait arrêter de fonctionner.
« Et je me demandais si tu accepterais de sortir avec moi ce weekend… On pourrait aller se balader à Central Park… » « Ok ». Et c’est comme ça que tout à commencer. Nous sommes allés nous balader dans le parc, j’ai passé l’une des plus belles après-midi de ma vie. Il était drôle, gentil, surprenant. Je tombai déjà amoureuse de lui. Il m’a accompagné jusqu’au centre hospitalier, et c’est devant les portes automatiques que j’ai eu mon premier baiser, notre premier baiser. MA-GI-QUE.
Du jour au lendemain je suis passée de la fille invisible à miss populaire. J’ai pu adhérer au club que je souhaitais, les filles et les gars m’ont accueilli les bras ouverts au comité des fêtes, et au journal de l’école. Je continuai le bénévolat en dehors des cours, et je partageai mon temps libre entre Henry et le reste de ma vie. Autant dire que je n’avais pas beaucoup de temps, mais qu’est ce que j’étais heureuse. Il était parfait, et je suis tombée totalement amoureuse de lui. Ce n’était pas vraiment une surprise. Ca m’a parue donc tout naturel qu’il soit mon premier. Il a été parfait comme toujours. Les semaines ont suivies, et je lui ai avoué que je l’aimais… Et c’est au moment où j’ai prononcé ces mots que je me suis rendu compte que je m’étais fait avoir comme la débutante que j’étais. Le sourire qui s’est étalé sur ses lèvres n’était pas de ceux que je connaissais. Il a ricané.
« Enfin ! J’ai cru que j’allais perdre ce foutu pari. » Coup classique. Coup vu et revu dans je ne sais combien de film, utilisé dans de nombreux romans, et autres séries à l’eau de rose… Ma bouche est devenue sèche.
« Tu ne croyais tout de même pas que tu pouvais réellement me plaire Harper ? Je veux dire, tu n’es qu’une intello, tu n’as rien d’autre pour toi. Allez, salut ! » Sur ceux il est parti, il avait à peine fait deux pas qu’il décrochait déjà son téléphone pour raconter son exploit…
Henry était un con. Henry m’a fait rentrer à Brown. Grâce à lui j’ai pu faire croire à l’université que j’étais une vraie perle, entre mes notes, mes clubs scolaires, et mes activités extrascolaires j’étais exactement ce qu’ils cherchaient. J’ai su que j’avais ma place en sortant de l’entretien. J’étais le rêve américain à l’état pur pour eux. Pour moi, j’étais seulement brisée… Il me restait six mois à faire dans cette école, et j’entendais à chacun de mes pas leurs murmures, leurs rires. Je n’étais plus invisible, c’était pire que tout… Et Ana est devenue ma meilleure amie… Qui est Ana ? Oh je suis sûre que vous la connaissez, tout le monde en a déjà entendu parler. Combien de sites, de blog, de forums sont sur elle ? Je ne sais pas. Ils sont plus communément appelé ProAna. Je pense que vous savez de qui je parle à présent. Ana m’a beaucoup aidé, et m’aide encore aujourd’hui. Avec elle, je me sens mieux, je suis plus moi. Ca peut paraitre bête comme ça ; mais c’est ca. J’atteins tous les objectifs que je me fixe. Ils regretteront tous de m’avoir traité comme cela. Je me le promets, je te le promets Ana.