« Rien ne dure toute la vie, pas même vos soucis. »
C'est ce que ma mère me répétait à longueur de temps. Même lorsque mon père la frappait, même lorsqu'il avait décidé de partir, même lorsqu'on avait décidé de nous expulser de notre chez nous. Vachement positive la maman, hein ?

« Maman. Je veux pas habiter sous les ponts. Ça sent pas bon. »
La pauvre gamine que j'étais voulait une chambre rien qu'à elle. Qu'y avait-il de mal à ça, hein ? Rien, exactement. Mais ce n'était pas le point de vue de la loi, ça. Pas d'argent, pas de maison. C'est ce que ça rime en plus ! Ça doit être un signe. Oui, un signe. Ehem, bref. Alors que je n'étais âgée que de sept ans, j'ai du passer une semaine à errer dehors avec ma mère. Oui, seulement ma mère. Mon père ? Un connard. Heureusement qu'il est parti ! Il frappait ma mère, qui sait ce qu'il aurait pu me faire à moi. Il est parti avec une pouffe décolorée aux airbags plus qu’impressionnants et c'est tant mieux, bon vent. Bon, seul petit hic, son boulot était mieux payé que celui de ma mère, donc avec lui on avait une maison... Et sans lui, rien du tout. Femme de ménage comme boulot, ça rapporte pas grand chose, vous savez. Surtout que ma pauvre mère, elle n'avait pas beaucoup de force. Elle n'en avait plus du tout en fait, merci à mon géniteur. Des blessures de partout. Elle faisait comme elle pouvait, mais ce n'était pas suffisant. Peu après le départ de mon père, elle n'a pas réussi à payer régulièrement le loyer de la maison dans laquelle on vivait, et on s'est donc faites expulsées par le proprio. Oh, et avant ça, il y a eu les huissiers. Bon, au moins ça a facilité notre déménagement. Une fois dehors, on avait plus rien à part les vêtements qu'on portait. Ce n'est qu'après deux longues semaines que ma mère avait réussi à nous dénicher un toit. … Et c'était vraiment juste … Un toit, en fait. Un appartement minuscule. Quoique, attendez. Un appartement ? Pour une barbie peut-être, mais pas pour des humains. C'était un studio. Donc, pour la chambre, on repassera. Malheureusement, au fil du temps, les choses ne se sont pas arrangées. « Maman. Ils disent tous à l'école que je m'habille comme un sac à patates ! … Quand est-ce que je pourrai m'acheter de nouveaux vêtements ? » La réponse de ma mère fut catégorique. Je ne pourrai me fringuer correctement que si j'ai la chance de vivre jusqu'à être en âge de me marier. Une fois cette étape passée, il faudra alors voir si mon karma est assez bon pour que je ne tombe pas sur un bon à rien comme mon père. Et ce n'est que là que je pourrai m'offrir une nouvelle garde-robe. En gros... Au moins encore une dizaine d'années pendant lesquelles j'aurai à me faire traiter de vilain petit canard. Nous n'avions vraiment pas d'argent, au point que je sois contrainte de porter fréquemment les mêmes vêtements. Alors, vous vous imaginez bien qu'à l'école... Bah je me faisais remarquer, mais pas pour les bonnes raisons. Oh, vous savez qu'en fait on habitait dans le Bronx ? Alors, juste pour préciser, on y retrouve majoritairement des personnes d'origines Afro-Américaines. Et en étant blonde aux yeux bleus... Moi qui cherchait à rester discrète, bah c'était raté.

« Oui monsieur. »
Alors qu'en réalité, j'avais envie de crier « CONNAAAAAAAAAAARD. » Qui c'est ce « monsieur » ? Bah c'est un connard. Oui bon, et entre autres, c'est aussi mon employeur. Enfin, même pas mon employeur ! C'est le fils de l'employeur de ma mère, et mon employeur par la même occasion. … Oui, car pour payer mes études, pas d'autres choix que de prendre un boulot à temps partiel. Et ma mère m'a pistonnée. Pistonnée pour devenir femme de ménage. Tellement cool comme boulot, mon dieu. Je m'éclate avec les seaux. Et les détergents. Au moins les détergents ont un rapport avec la chimie, c'est déjà ça. Oui, car il s'est trouvé que j'avais un talent inné pour les explosions. Euh, enfin, la chimie je veux dire. J'aime faire des mélanges improbables, j'adore ça ! Mais plus sérieusement, j'aime la chimie, j'aime cette matière. Et je veux en faire mon métier plus tard. Je veux juste être un chimiste reconnu aux découvertes inoubliables. Rien que ça ! C'est pas grand chose, non ? Seul petit hic, pour devenir chimiste, faut forcément passer par la case école. Et l'école, ça coûte de l'argent. Ma maman m'a dit que si je voulais payer mes études alors que j'avais qu'à bouger mon popotin car bouger seulement le sien n'allait pas être seulement suffisant. Et c'est ainsi que je me suis retrouvée dans cette baraque avec l'autre snob. Faut dire qu'il adorait me rabaisser. Et m'écraser. Et me snober. Et critiquer mon boulot. Et me demander de refaire dix-mille fois la même chose. De la chimie, j'aimerais en faire avec son cerveau. Oh, le faire exploser en petits morceaux. Bon, après, faudrait déjà qu'il en ait un, ce qui reste à discuter. Il verra, il verra un jour. Je reviendrai le voir, je serai riche, et je l'écraserai comme un moucheron ! … L'espoir fait vivre comme on dit, hein. Je n'ai rien à part le droit de rêver, alors laissez-moi faire en paix.

Cette revanche ? j'ai fini par l'avoir. A l'âge de 19 ans, j'ai reçu une fortune énorme, colossale. De la part de qui ? D'une vieille tante. Une arrière arrière arrière tante. Bref, je vais pas vous faire un dessin, je ne connaissais même pas son existence. Personne ne connaissait son existence, mais elle, elle avait marqué que son unique héritière devait être moi. Elle ne me connaissait pas non plus, elle avait juste marqué notre lien familial. Elle n'avait personne d'autre, en fait, donc... Donc voilà. Grâce à elle, je suis passée de fauchée à très riche. Plusieurs millions de dollars, ce n'est pas rien. J'ai vraiment changé de catégorie sociale du tout au tout. Première chose ? J'ai quitté mon fichu petit boulot en claquant la porte au nez à ce gosse de riche. J'ai aussi acheté une énorme maison, une belle voiture... Parce que j'aime les bolides, moi. D'après certains, je suis un danger public sur la route, mais je ne trouve pas ! C'est juste que je conduis un peu trop vite et que j'ai du mal à m'arrêter aux feux rouges, mais rien de grave ! Bref. Et j'ai donné une partie de l'argent à ma mère, pour qu'elle puisse avoir la vie dont elle avait toujours rêvé. Le reste ? Bah, à votre avis ? Je le garde. J'en ai aussi utilisé une partie pour financer mes études. J'avais de beaux vêtements, certains élèves me regardaient avec envie... Et en parlant d'envie, je n'ai pas pu m'empêcher de mentir sur mon passé. Bah quoi ? J'allais quand même pas leur dire que j'avais vécu dans un studio. Je leur ai raconté que j'avais vécu dans un beau château en Italie, et que j'avais du sang royal qui coulait dans les veines. Un p'tit peu. Mais bon, ça fait toujours classe. Et ils y ont tous cru. Ils ont tous bu mes paroles. … Qu'y-a-t-il de mal à vouloir s'intégrer, hein ? Rien ! … C'est sûr que s'intégrer en racontant des mensonges n'est pas la meilleure chose à faire mais … Peu importe, jamais personne ne le découvrira ! Enfin, j'espère bien … Car sinon, ma réputation, popularité et moi sommes dans de beaux draps.