Je venais de terminer ma journée de cours. Le vendredi était une journée plutôt cool étant donné le peu d’heures de cours que j’avais; il passait toujours à une allure folle, et également parce que j’adorais les cours de cette journée. Cela dit, j’étais heureuse de voir arriver la fin de la semaine; j’avais l’impression d’avoir attendu qu’une chose, que le week-end commence enfin. J’avais besoin de me ressourcer, et j’avais décidé depuis quelques temps que j’avais tout simplement besoin de retourner auprès de ma famille. Ce week-end, j’allais donc quitter le pavillon des Lambda. Lorsque je rentrais à la maison, je fus surprise de n’y voir personne. Le lieu était silencieux, ce qui n’était pas chose courante. Il y avait généralement beaucoup de passages, mais j’imaginais que tout le monde devait être en cours, ou de sortie par ce temps agréable. Je montais directement dans ma chambre, sortit une valise de dessous mon lit, et commença à y déposer quelques vêtements pour ce week-end. Un petit passage dans la salle de bains, et j’en ressortis avec une trousse de toilettes remplie de produits nécessaires. Une fois ma valise prête, je ne savais pas trop quoi faire. Je ne comptais partir qu'en soirée, afin de pouvoir passer un peu de temps avec ma meilleure amie; alors il me restait encore quelques heures à tuer. En regardant par la fenêtre, je me dis qu’il serait peut-être sympa de paresser au soleil en attendant qu’une des filles rentre, afin de me tenir un peu compagnie. J’enfilais alors rapidement un maillot de bain deux pièces rouge, et un petit short en jean, avant de descendre et de prendre place sur un transat au soleil. Lunettes de soleil sur le nez, je fermais les yeux afin de me reposer. Je ne sais si je m’endormis, ou si je ne fis que somnoler, mais la réalité se rappela à moi lorsque j’entendis la porte d’entrée claquée. Apparemment, je n’étais plus la seule dans la maison…

Aujourd’hui, c’était vendredi, ce qui signifiait la fin de semaine des cours, mais pas question de quitter le campus. De toute façon, Dylann n’avait plus de famille à voir, et les seuls les lambda étaient désormais sa nouvelle famille, mais pas uniquement. Il y avait aussi quelques autres élèves des autres confréries, mais aussi Kylan, ce gardien tyran qu’elle ne pouvait s’empêcher d’aimer malgré ses allures de voyou et ses phrases parfois vulgaires et obscènes. Bref, ce week-end n’annonçait simplement habituel : s’occuper du campus avec lui, et peut-être des sorties avec ses amis, qu’ils soient lambda ou non. Peut-être qu’elle verrait Desmond, peut-être qu’ils se feraient un déjeuner… tout restait à prévoir.

C’était sur ses pensées que la brunette filait au travers du campus pour rejoindre son pavillon. Il n’était pas bien tard, dans les coups de seize heures lorsqu’elle avait finit sa journée de cours, puis le prof’ de philo’ étant absent, ça lui faisait pas mal d’heures à pouvoir réviser, même si parfois, elle pouvait consacrer son temps à autre chose. Le téléphone entre ses mains, en train de pianoter sur le clavier tactile histoire d’envoyer un message à Daisy pour résumer sa journée, du moins, celle qui concernait les cours, la jeune lambda pénétra dans son pavillon et traversa le hall pour rejoindre ce qu’elle et ses sœurs appelaient “le jardin”. C’était un petit carré de verdure privé pour seuls les membres de la sororité.

Elle fit claquer la porte, plutôt sans l’avoir fait, son livre entre les mains, histoire de bouquiner au soleil. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle pu voir que la place était déjà occupée par Chloé, une sorte de rivale interne de sa confrérie. Dylann esquissa une grimace « Salut… » lâcha-t-elle en un souffle, histoire de rester poli envers sa dite sœur. Puis, sans plus attendre, elle s’installa quelques mètres plus loin, ouvrit son livre, et se concentra sur les lignes sans pour autant les lire, et encore moins les comprendre.

J’ouvris difficilement les yeux, même si mes lunettes de soleil sur le nez diminuaèrent légèrement la lumière éblouissante d’un plein soleil. Je pense que j’avais dû m’assoupir quelques minutes, car le réveil fut soudain et quelque peu difficile. Je ne sais alors quelle heure il était, il devait cependant être encore tôt vu que les filles n’étaient toujours pas revenues, et que le soleil inondait encore le jardin d’une chaleur appréciable. J’attendis en vérifiant ne pas m’être chopé quelques coups de soleil qui allaient me faire souffrir. J’avais zappé la crème solaire, ce qui n’était pas une bonne idée. Cependant, j’avais pensé à m’allonger sur un transat près d’un parasol qui protégeait ma tête du soleil. Une Lambda ne tarda pas à me retrouver dans le jardin; apparemment nous avions eu toutes les deux la même idée. Malheureusement pour moi, c’était Dylann. Je n’avais rien contre cette fille; enfin si, j’ai bien cru remarquer qu’elle ne m’appréciait pas, et qu’aucune explication n’était possible entre nous; du moins rien de calme et posé qui nous permettrait d’arrondir les angles. Alors je ne peux faire autrement, je me plais à la contredire; je ne suis pas méchante, je crois que même si je le voulais je n’y arriverais pas, mais comme de toute manière elle m’en veut par rapport à quelque chose, il est fort possible qu’on ne devienne jamais amies toutes les deux. « Salut… » Au moins, elle me saluait, je ne pouvais pas attendre bien plus de sa part. Je lui souris tout de même, en y mettant une grande volonté cela dit, avant de la saluer à mon tour. Puis, je me levai du transat. Je voulais aller dans la cuisine me chercher quelque chose à boire; afin d’être polie, je m’avançai un petit peu de Dylann avant de lui dire : « Je vais me chercher du thé glacé, t’en veux ? » Après tout, j'étais comme cela, je n'aimais pas quand on m'appréciait pas, on était peut-être juste parties sur une mauvaise base. Alors tout rentrerait dans l’ordre si l’on se mettait à discuter, ou pas.

Chloé, sœur non pas par choix mais par obligatoire, avait répondu à ses salutations à son tour, lui affichant un bref sourire. Chose que Dylann le lui rendit. C’est vrai que toutes les deux n’avaient jamais été très proches, et encore moins amies. Aucune “loi” n’interdisait des tensions entres sœurs, et de toute façon, personne n’aurait pu empêcher ces aprioris. Certainement parce que Chloé était quelqu’un de proche, trop proche, de Kylan pour que la lambda reste de marbre. Elle ne la détestait pas, c’était simplement une pointe de jalousie. Et tout le monde sait que ce genre de sentiment peut être dévastateur, pour tout le monde au final, y compris les relations amicales. « Je vais me chercher du thé glacé, t’en veux ? » Cette phrase venait de faire comme une sorte de tilt dans l’esprit de la brunette, qui, automatiquement, releva la tête pour s’apercevoir que Chloé s’était levée de son transat et s’était postée à quelques centimètres d’elles. Dylann ferma son livre, jusqu’à le faire claquer, un bruit pas si dérangeant que ça finalement, même si le jardin de la sororité était un coin tranquille. Elle releva la tête, fronçant les sourcils et plissant les yeux, gênée par ce soleil si imposant qui lui tapait sur la tête. Finalement, elle s’en cacha de sa main, mais restait hésitante à sa proposition. « Euh… » commença-t-elle en balbutiant, essayant de remettre de l’ordre dans sa tête. Tentait-elle une approche ? Allez, un peu de nerf, elle n’allait certainement pas mettre de potion de vérité dans son thé. « Oui, je veux bien… » ajouta-t-elle, un peu plus sûre d’elle. Dylann lui adressa un sourire, et finit par un « Merci. » réellement sincère.

Je n’avais pas l’habitude de faire le premier pas. Généralement, je me contentais de l’oublier, de passer mon chemin en évitant de croiser son regard. Oui, mais généralement, je ne me retrouvais pas toute seule avec elle. Si elle me faisait peur ? Evidemment, je n’étais pas à l’aise lorsqu’elle était dans la même pièce que moi, mais je ne comptais pas le lui montrer. Je ne comptais pas lui donner quelconque satisfaction. Il n’était pas question que je redevienne cette jeune femme fragile, timide, introvertie, qui baisse la tête devant les autres. Je restais peut-être comme cela à l’intérieur, parce qu’il était difficile de toujours garder la tête haute quand notre adolescence n’avait été que moqueries et coups bas, mais au moins je prétendrais être plus forte. « Euh… » Je comprenais qu’elle y réfléchisse à deux fois. J’en aurais fait probablement autant à sa place. « Oui, je veux bien… Merci. » Elle finit cependant par accepter, et je partis alors sans tarder dans la cuisine avant de sortir une carafe de thé glacé du réfrigérateur et deux grands verres d’un placard. Je revins tranquillement, le plateau dans les mains, et le déposai sur la table de jardin. Je nous versai du thé dans les verres et en plaçai un devant la jeune femme, alors que je venais déjà prendre de grandes gorgées de thé du mien. Déposant mes yeux sur le bouquin qu’elle lisait, je me demandais s’il valait mieux lui parler ou retourner m’allonger sur le transat. Mais le silence m’inquiétait, j’avais peur que l’ambiance devienne froide et gênante, alors je décidais de lui poser une question. « C’est bien ce que tu lis ? » Conversation banale, je dois bien l'avouer. Seulement, je n’avais pas d’atomes crochus avec elle, il m’était difficile de faire plus originale sur ce coup.

L’ironie de ces retrouvailles, c’était que, autant Chloé que Dyann, étaient sur le qui-vive. Pensait-elle que Dylann allait lui faire une crasse, comment Reyne savait si bien lui faire ? Oh non, elle n’était peut-être super copine avec elle, mais elle n’était pas non plus tombée aussi bas pour lui faire un coup pareil. C’était simplement, tendu, avec une pointe de jalousie envieuse. Car s’il y avait une chose que lui reprochait Dylann, c’était bien sa proximité avec Kylan… Et quand bien même si leurs liens ne sauront peut-être jamais davantage, à cause de la situation, elle tentait de se détendre, et de se montrer courtoise, répondant par un sourire à sa proposition. Chloé avait filé dans la cuisine et était revenue quelques minutes plus tard, un plateau sous le bras, avec la fameuse carafe de thé glacé, et deux verres. Peut-être l’objet d’une réconciliation ? Seul l’avenir le leur dira… Chloé, qui faisait même le service, avait approché le verre de la brunette. Dylann s’en empara, lui adressant un nouveau sourire suivit d’un « Merci. » Contrairement à sa “rivale” qui buvait son breuvage d’une traite, elle n’en avala qu’une gorgée. À sa grande surprise, Chloé n’était pas retournée sur son transat. Au contraire, elle s’était penchée sur son livre, s’interrogeant sûrement jusqu’à lui poser finalement la question « C’est bien ce que tu lis ? » Banale, simple, mais excessivement surprenant. Dylann haussa des sourcils, puis releva la tête, manquant de renverser du thé sur ses vêtements. Elle reposa le verre et montra la couverture, bien en évidence à Chloé. “Le cantique des elfes”, une histoire mêlant virtuel et réalité. « Oui. » dit-elle avant de reprendre, légèrement plus détendue que quelques minutes auparavant « Enfin, si tu défini ce qui est “bien”, synonyme de pur divertissement. » conclu-t-elle. N’hésitant pas une seconde de continuer la conversation, puisque Chloé avait fait le premier pas, Dylann l’interrogea à son tour « Et toi, tu lis quelque chose en ce moment ? Ou quelque chose en général ? » ses dernières paroles avaient été prononcées dans un murmure, parce que c’était une légère pique, et elle s’en voulait quelque peu.

Ce qui m’inquiétait le plus dans le fait de me retrouver seule avec Dylann était que justement je ne la connaissais pas. Je n’avais aucune idée de comment elle pouvait réagir face à telle ou telle parole. Nous n’étions pas amies, mais nous n‘étions pas ennemies non plus. J’ignorais ce que l’on était; tout ce que je savais était que je n’appréciais pas certains regards qui m’étaient destinés, certaines paroles que je préférais ignorer d’ordinaire. Partir chercher de quoi se rafraîchir m’arrangeait sur ce coup, et je dois dire que je pris mon temps, ne sachant pas du tout si les prochaines minutes n’allaient pas être les plus longues de toute ma vie. Lui posant une question, mon regard se posa machinalement sur le couverture du livre que Dylann tourna légèrement dans ma direction. « Oui. » me répondit-elle, avant de poursuivre sur un ton un peu plus léger. « Enfin, si tu définis ce qui est “bien”, synonyme de pur divertissement. » Je lui souris alors, rigolant légèrement à sa petite remarque. J’aimais beaucoup lire, c’était même une de mes passions; cela dit je pouvais comprendre que chacun avait ses propres goûts. Et l’année passée m’avait appris que question goût, Dylann et moi ce n’était pas trop cela. « Ça a l’air sympa, oui ! » Répondit-je à moitié convaincue. Les histoires qui touchaient un peu trop au surnaturel n’avaient pas grande place sur mon étagère. « Et toi, tu lis quelque chose en ce moment ? Ou quelque chose en général ? » Je fronçais les sourcils lorsque j’entendis sa dernière question. Je ne savais pas si c’était moi car j’avais tendance à prendre un tout ce qu’elle disait à cœur, comme si tout ce qu’elle pouvait me dire n’était que pure méchanceté. Mais c’était peut-être faux, j’avais tendance à voir le mal partout. « En ce moment, avec tous les bouquins que je dois lire pour mes cours, je délaisse un peu mes lectures personnelles. » Je m’installai rapidement sur une des chaises autour de la table, avant de poursuivre. « Mais en fait, je suis plus du genre histoires vraies en ce qui concernent les livres. » Les romans à l’eau de rose également, mais ça je le gardai pour moi.

Elle tentait une approche, et par pure politesse, Dylann lui répondait. Seulement, le « Ça a l’air sympa, oui ! » montrait parfaitement que Chloé n’était pas convaincue. Dylann haussa des épaules, d’un air je-m’en-foutiste. Après tout, elle n’allait pas en faire un drame si elle n’aimait pas sa lecture, l’important n’était pas là. Aussi, tentant de rebondir sur le sujet, elle lui demanda si elle lisait quelque chose, en ce moment, ou en général. « En ce moment, avec tous les bouquins que je dois lire pour mes cours, je délaisse un peu mes lectures personnelles. Mais en fait, je suis plus du genre histoires vraies en ce qui concernent les livres. » Dylann hochait la tête, écoutant ses paroles scrupuleusement. C’est vrai que cette année, ils n’avaient pas fait dans le moindre. Ils avaient des tonnes de livres à lire, à apprendre, et ce, dans toutes les matières, et sur n’importe quel support finalement. « Je lis un peu de tout en fait, si l’histoire me tente, je ne suis pas bien difficile. » dit-elle, en un souffle. Dylann était une fan de toutes sortes d’histoires, allant de Shakespeare, avec Roméo et Juliette, ou encore les liaisons dangereuses, passant par Eragon, ou Twilight, le dernier succès. Ça pouvait être de la grande littérature, comme des romans d’adolescents. « Histoires vraies tu dis ? Tu lis quoi ? » l’interrogea-t-elle finalement, légèrement curieuse.

« Je lis un peu de tout en fait, si l’histoire me tente, je ne suis pas bien difficile. » Je ne sais pas bien si elle se sentait dans l’obligation de rajouter quelque chose pour se justifier. J’interprétais cela comme une excuse pour éviter toutes tensions entre nous, ce qui était plutôt positif pour moi, mais après tout je n’étais pas psychologue, même si toutes les réactions humaines étaient mon dada. Avec Dylann j’avais été envoyée sur tellement de fausses pistes que je ne savais plus du tout sur quel pied jouer. « Histoires vraies tu dis ? Tu lis quoi ? » A mon grand étonnement, elle ne se referma pas, telle une huître. Elle semblait prête à me parler, à me poser des questions sur un sujet qui nous plaisait à toutes les deux. J’apercevais alors une lueur d’espoir pour nous deux. Nous n’allons pas devenir les meilleures amies du monde après une discussion, mais j’étais peut-être partie sur des préjugés la concernant; elle n’était peut-être pas du tout comme je me l’imaginais. Le temps nous le dira, j’imagine. « J’aime beaucoup les histoires ancrées dans la réalité. Pas besoin que tout soit autobiographique, mais réaliste, tu vois ? » Je réfléchissais à quelques noms d’auteur ou à quelques bouquins, mais il y en avait tellement. « Je n’ai rien contre les histoires qui concernent le surnaturel, mais je t’avoue je ne lis pas les livres qui font trop parler d’eux. Ca m’énervait qu’on me dise ‘il faut absolument que tu lises ça ou ça’, je me retrouvais souvent déçue. » Twilight et compagnie, ce n’était pas mon genre, mais je ne jugeais pas pour autant les gens qui aimaient. Il y en a pour tous les goûts dans la littérature. « Après, j’aime beaucoup les auteurs français, si ça t’intéresse je pourrais t’en passer un à l’occasion ! » Je proposais par politesse, je n’étais pas du tout certaine que ça l’intéresse plus que cela, mais autant rester sur une voie polie et quasi-amicale.