« Il parait que ta mère c’est pas ta mère ? Que la tienne elle s’est barrée juste après t’avoir expulsée ? Remarques, on la comprend… » Je le regarde et j’essaye de mettre dans mes yeux toute la haine que je ressens pour lui en ce moment. Pauvre con ! Connard ! Fils de pute ! Arriéré congénital ! Ma mère s’est peut-être barrée mais la tienne pleure tous les soirs quand elle voit ce que ses gênes ont donné. J’aimerais lui cracher ses mots au visage. J’aimerais lui faire bouffer ses dents, lui arracher sa putain d’arrogance. J’aimerais surtout qu’il se taise. Mais il continue de parler. Encore et encore. A croire qu’il sait pas quoi faire d’autre. Il s’éclate l’enfoiré. Parce que c’est facile. Facile de jouer au caïd quand on a en face de soi un moustique haut comme trois pommes. Facile d’ouvrir sa grande gueule quand toutes ses victimes ont au minimum un an de moins. Facile de se croire fort quand tout ce que je suis capable de faire c’est lancer des éclaires avec mes yeux. Même pas de vrais éclaires, juste des faux que personne ne voit, des qu’on s’imagine dans sa tête. « C’est quand même elle qui t’as donner ton prénom ? Parce qu’elle devait sacrément t’en vouloir pour choisir celui là ! » « Ta gueule » C’est tout ce que j’arrive à dire. Un tout petit, ridicule, minuscule, ta gueule. Non c’est pas ma mère qui m’a donné mon nom. Elle a même pas pris le temps pour ça. Même pas pris le temps de me regarder ne serait-ce qu’une demi-seconde. Elle a fait ce qu’elle avait à faire et elle s’est barrée sans demander son reste. J’ai été largué dans un coin exactement comme on dépose un colis à la poste. Accouchement sous X. C’est ce que m’a expliqué Jane. Peut-être pas avec ces mots là, mais au final ça revient au même. Jane c’est ma maman sans être ma maman. C’est celle qu’a récupéré le paquet, qui m’a appelé Emrys –très beau nom, soit dit en passant, quoi qu’en pensent ces abrutis- qui c’est occupé de moi. Avec William. Ils m’ont dit ça ensemble l’autre jour. Ils m’ont dit qu’ils étaient pas mes vrais parents. Mais que ça changeait rien. Qu’ils m’aimaient tout pareil. Plus encore parce qu’ils m’avaient choisit. Parmi tous les enfants c’est moi qu’ils avaient voulu et personne d’autre. Mais à quoi ça servirait de leur dire ça à eux ? Ils sont définitivement trop cons pour comprendre. « T’as dit quoi ?! » Je sens ma respiration qui s’accélère, je sens la colère qui monte et mes poings qui se serrent. Après tout rien à foutre qu’ils soient plus grand, plus nombreux, plus fort. Rien à foutre de savoir que j’ai aucune chance. J’ai rien à perdre. J’ai même pas peur. Je les hais. Ils ont pas le droit de dire ça. Même si je sais que ça compte pas vraiment. Même si je sais que mes vrais parents ils sont là et que je les échangerais pour rien au monde. Même si je sais tout ça. Parce que malgré tout, ça fait mal. Ça fait comme une déchirure au creux de mon ventre, comme une envie de vomir au coin des lèvres, comme si mon cœur il allait s’arrêter et jamais repartir. Ça me fait mal à en crever, même si je souris et que je dis rien. Parce que Jane et William, ils doivent pas le savoir que ça me rend triste, ils doivent pas le savoir que des fois, juste des fois j’aimerais bien savoir c’est qui ma vraie maman. Et surtout, surtout, savoir pourquoi elle a pas voulu de moi. Ouais ça fait mal et eux, ils en profitent et je les déteste. Je relève la tête et je leur fais ma tête de quand je suis pas content. Parce que là, je suis vraiment, vraiment pas content. « J’ai dis ta gueule, connard ! » Je bondis sur mes pieds, lui saute au cou. Mais pas vraiment pour un câlin. Ouais je suis un poids plume, ouais je fais deux têtes de moins que lui, ouais j’aurais pas du. Mais j’ai la haine. Et mes petits poings ridicules s’écrasent quand même sur sa tête de con. Et je me dis qu’au moins pendant trente secondes, trente petites secondes, il a regretté d’être un tel enfoiré.

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